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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 novembre 1860.


Nous sommes contens, — ne disons pas satisfaits, la chose n’autorise point le mot, et puis il y a dans la destinée politique du mot une malencontreuse jettatura, — nous sommes contens de cette renaissance de vie politique intérieure qui nous est promise par le décret du 1er novembre. Nous embrassons avec une joyeuse confiance les perspectives nouvelles qui nous sont ouvertes. Un pas décisif dans la vérité politique vient d’être accompli : c’est peu de chose encore, si l’on ne regarde qu’aux dispositions positives du décret ; c’est beaucoup, ce peut être tout, si l’on considère seulement la direction prise. La ligne que nous allons suivre s’écarte décidément de celle qui a été suivie depuis huit années. Nous sommes encore au point où la bifurcation commence ; les deux lignes se touchent ou sont bien rapprochées, mais l’angle ira sans cesse s’élargissant. Nous marchons maintenant vers le gouvernement du pays par le pays, vers la véritable pratique du système représentatif, vers le régime parlementaire. Voilà la route dans laquelle nous sommes lancés. La triste réaction provoquée par 1868 prend fin en France. Nous le disions récemment à propos des réformes autrichiennes : la fin de la réaction absolutiste et dictatoriale, partout où elle se consomme, est une victoire pour le libéralisme européen, et ce n’est point à nous de déprécier nos victoires. On pourra trouver qu’il est trop orgueilleux ici de parler de victoire ; l’on aurait raison, si l’on supposait que quelqu’un en France pût s’attribuer le mérite d’avoir arraché au pouvoir les concessions qui nous sont faites. Une si ridicule fatuité est bien loin de nous ; il nous semble pourtant que ceux qui, au milieu des circonstances les plus décourageantes, sont demeurés fidèles aux idées libérales, et n’ont cessé de témoigner avec une fermeté sereine de leur confiance dans le triomphe de ces idées ont certes le droit de ne pas baisser la tête et de ne point afficher une fausse modestie à la première aube du succès.