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teurs font produire à une terre médiocre des récoltes magnifiques, prouve qu’on peut tirer du sol même le capital nécessaire pour le féconder, sans aller l’emprunter à des sources étrangères. On a fondé de grandes espérances sur l’organisation du crédit agricole et foncier, et certes des institutions de ce genre ne sont pas à dédaigner ; toutefois, qu’on le remarque bien, ce qui fait défaut, c’est moins le capital que le talent de s’en servir, car tout cultivateur habile qui utilisera les ressources de la terre qu’il exploite saura bien y accumuler tout ce qu’il faut pour la mettre en pleine valeur. Pour y parvenir, il suffit de suivre un assolement rationnel, de faire consommer par du bétail qu’on élève peu à peu toute la nourriture dont on dispose, de tirer parti de toutes les plantes dont le sol se couvre spontanément, et surtout de recueillir avec soin tous les engrais. La grande source de richesse, on l’oublie trop peut-être, c’est la terre, ce sont les élémens de fécondité que la nature place à notre disposition, et qu’il faut savoir mettre en œuvre. Le capital d’exploitation, plus important en Flandre que partout ailleurs, n’a pas été fourni ici par de riches propriétaires ou par de grands fermiers ; il a été créé sur place par la démocratie rurale des petits cultivateurs, à qui le pays doit sa prospérité. Les progrès de l’agriculture ne dépendent en général ni de l’extension plus ou moins grande des propriétés ou des exploitations, ni des institutions de crédit, ni d’autres combinaisons artificielles : ils résultent avant tout de l’aptitude de l’homme qui fait valoir la terre. Que celui-ci soit un lord qui compte ses revenus par millions ou un pauvre ouvrier qui ne se nourrit que de pain noir, si l’un et l’autre savent ce qu’exige une bonne culture et arrivent à entretenir une tête de gros bétail par hectare, la terre sera bien cultivée, et son produit considérable. Parfois même le second parviendra à conquérir des terrains qu’eût négligés le premier, car là où le grand propriétaire, servi par des salariés, ne serait pas rentré dans ses avances, le petit cultivateur, poussé par la nécessité, par l’intérêt personnel et aidé par sa famille, finira par rendre des sables fertiles et par coloniser le désert. En définitive, il faut que le laboureur travaille avec énergie ; mais cela ne suffit pas, et ce n’est même pas le point principal, car il y a bien des contrées où l’homme se tue à retourner la terre pour n’obtenir que de maigres récoltes. Ce qu’il faut avant tout, c’est apprendre à connaître, soit par la science, soit par la pratique journalière, les lois de la nature et ce que le sol réclame pour récompenser par de riches produits les efforts de ceux qui le cultivent. Il en est de la terre comme de l’enfant : sans doute on doit l’aimer, mais non pour sol et d’une façon égoïste ; il faut l’aimer pour elle-même et chercher à développer en elle tous les dons, toutes les forces qui la dis-