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nal, qui, comme on le sait, a produit une véritable révolution dans la production rurale de l’autre côté de la Manche : la moitié de la terre est en céréales, l’autre moitié en racines, qui remplacent la primitive année de repos. Au quatrième degré vient la méthode flamande : non-seulement la terre ne se repose plus, mais elle est forcée de produire deux récoltes par an ; les racines sont prises en culture dérobée, le meule champ donnant d’abord des céréales, du lin, du colza pour les besoins de l’homme, et puis des racines semées après la moisson pour entretenir le bétail. Ce système, qui permet de garder constamment les bêtes à cornes dans l’étable, produit une accumulation considérable de fumier, et devient ainsi le pivot de la rotation des récoltes successives. Plus du tiers de la surface cultivée est consacré, dans la zone sablonneuse, aux cultures dérobées ; c’est donc comme si l’on augmentait d’un tiers l’étendue du sol exploité, résultat remarquable dont on devine sans peine les conséquences favorables. Ainsi dans la Flandre orientale, sur 100 hectares de terre arable, 72 sont consacrés aux céréales et aux plantes industrielles, 28 aux plantes fourragères et aux racines ; mais il faut ajouter, sur cette même étendue, 31 hectares de récoltes dérobées, et l’on arrive à constater que, bien que les deux tiers du sol arable donnent des produits immédiatement réalisables, 59 hectares sur 100 livrent pour le bétail une nourriture excellente, supérieure à celle de beaucoup de prairies ordinaires. Le chiffre total des assolemens est ainsi plus élevé que celui de la superficie réelle ; c’est que là où le cadastre ne mesure que 100 hectares, le laboureur a su en cultiver 131. Les récoltes dérobées sont, on le voit, une des plus magnifiques conquêtes de l’agriculture flamande ; elles expliquent comment des terres de très mauvaise qualité peuvent se louer facilement de 90 à 110 francs l’hectare, et comment la population la plus dense de l’Europe peut subsister sur un sol si peu favorisé par la nature. Cela provient de ce que le fermier qui paie un fermage de 100 fr. pour 100 ares récolte en réalité le produit de 130 ares : de leur côté, les habitans, par les procédés perfectionnés de l’art agricole, ont étendu la surface productive bien au-delà des limites que lui attribue la géodésie.

Les cultures dérobées comprennent le navet et la spergule, qu’on met après le colza, le lin, le seigle et les pommes de terre précoces, la carotte, qu’on sème au printemps dans les récoltes précédentes et qu’on sarcle avec soin après qu’elles ont été enlevées, — le trèfle incarnat et le seigle à couper, qui, après avoir occupé la terre pendant l’hiver, la laisse libre pour les semailles d’avril, — le chou cavalier, qui continue à se développer, même pendant la saison froide, et dont la tige énorme, haute de six pieds, donne en abondance des feuilles excellentes pour les vaches laitières. Ces récoltes four-