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tares, il n’est que de 19 dans le canton de Furnes[1]. La grande extension donnée aux pâturages tend à limiter ici le chiffre de la population. Chose rare en Flandre, on rencontre des communes qui, sur 1,000 hectares, n’ont que 3 ou 400 habitans. Dans les terres soumises à la charrue, un peu moins de la moitié est consacré au froment, le reste à l’orge, aux féveroles, à l’avoine et au trèfle. Les récoltes ne reçoivent point de fortes fumures ; mais le sol est naturellement très fertile, et l’on obtient aisément 21 hectolitres de froment, 20 de féveroles, 40 d’avoine et 42 d’orge à l’hectare. Comme dans tous les pays médiocrement peuplés, les fermages ne sont pas trop élevés, eu égard à la qualité exceptionnelle de la terre. Les pâtures grasses se louent de 130 à 220 fr. L’hectare ; les fermes, de 90 à 110 fr. Quoique les fermages aient été augmentés de 25 à 35 fr. l’hectare depuis dix ans, les cultivateurs jouissent d’une aisance qui paraît grande lorsqu’on la compare au sort des paysans des terres maigres. Ils mangent toujours du pain de froment, du lard plusieurs fois la semaine, et de la viande de bœuf en certaines occasions. Ils sont d’ordinaire bien vêtus ; les femmes sont habillées avec recherche. Elles ont conservé leurs anciens costumes, qui ressemblent à ceux de la Zélande, et qui témoignent encore de la communauté d’origine de toutes ces populations du littoral de la Mer du Nord. Comme les paysannes hollandaises, elles portent de grandes boucles d’oreilles, des fermoirs en diamans et de grosses chaînes d’or, bijoux héréditaires dont la forme est due sans doute à quelque orfèvre du moyen âge. Un petit chapeau de paille, orné de rubans de soie aux couleurs éclatantes, protège à moitié un grand bonnet de dentelles qui rappelle celui des femmes des côtes normandes, comme si les filles de ces deux pays assez éloignés avaient hérité de leurs ancêtres communs quelque conformité mystérieuse dans leurs goûts de toilette. Quand, les jours de marché, le fermier et la fermière se rendent dans les villes voisines avec leur cabriolet à hautes roues, attelé d’un vigoureux trotteur, leur tournure d’un autre âge frappe l’attention. Cependant les anciens costumes et les anciens usages commencent à tomber en discrédit depuis que des routes nouvelles, et surtout le chemin de fer qui relie Furnes au réseau central, ont fait cesser l’isolement dans lequel la mer d’une part et les inondations de l’autre retenaient les districts du littoral.

Parmi les terres d’alluvion qui s’étendent le long de la côte, les plus fertiles ont été conquises directement sur la mer au moyen de

  1. Les chiffres officiels cités dans cette étude sont empruntés à la Statistique agricole de Belgique publiée en 1850 par le ministère de l’intérieur, travail fait avec soin, et dont M. Villermé a constaté la valeur dans la Revue du 15 mars 1860. Les chiffres non officiels ont tous été soumis à un contrôle minutieux.