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au goût des occupations rurales qu’ils semblent avoir eu de tout temps, même à un plus haut degré que les autres tribus germaniques, grâce aussi à leur infatigable persévérance, les Flamands parvinrent à faire la conquête de leur territoire, la bêche à la main. Chez eux, dès l’époque barbare, l’homme libre ne dédaignait point le travail des champs ; les documens les plus anciens nous le montrent labourant, menant le bétail au pâturage, semant, moissonnant et fauchant le foin. Les inscriptions tumulaires de l’époque romaine attestent même qu’alors déjà les habitans des rives de l’Escaut allaient chercher en Angleterre de la marne pour amender leurs terres, preuve certaine d’une culture avancée.

Pendant les siècles troublés du moyen âge, le servage s’établit en Flandre comme dans les autres pays de l’Europe ; mais il y pesa moins lourdement sur les paysans attachés à la glèbe, et il n’arrêta pas longtemps les progrès de l’agriculture, qui suivirent le développement de l’industrie de la laine. Cette marche parallèle du travail agricole et du travail industriel semble remonter très haut. Un capitulaire de Louis le Débonnaire défend aux vilains de faire des gildes ou associations pour repousser les voleurs, de paraître en armes dans le palais du comte. Un rescrit de Charles le Chauve, de 854, nous apprend que les habitans de la Flandre se réunissaient suivant leurs anciens usages afin de mettre en culture les terrains marécageux. Ces associations volontaires pour garantir la propriété et pour se préserver des inondations, ces armes portées par des paysans, villani, indiquent une condition sociale très supérieure à celle des serfs des autres parties de la Gaule et de la Belgique qui avaient été plus complètement assujetties par les Romains. Dès ces temps reculés, on retrouve déjà les caractères qui distinguent encore aujourd’hui l’économie rurale de la Flandre. À côté des champs de blé, les premières indications historiques en signalent d’autres où croissaient des pois, des fèves et du lin. Les terres communes de la tribu ayant été partagées entre les chefs de famille, la part de chaque cultivateur semble avoir compris une étendue à peu près équivalente à celle des petites fermes actuelles qui entretiennent un cheval. Dans la plupart de ces manses soumises au seigneur, les femmes filaient la laine et le lin, les hommes fabriquaient des étoiles de drap et de toile qui s’exportaient dans toutes les contrées du nord et principalement en Angleterre. Les relations commerciales, s’étendant jusqu’au fond des campagnes, y firent pénétrer quelques lumières et quelque richesse. Cette prospérité, dérivée de deux sources différentes, s’accrut rapidement. Les hameaux situés aux lieux où les navires pouvaient aborder avec facilité se peuplèrent et s’agrandirent. C’est ainsi que l’industrie enrichissait les campagnes, tandis que le commerce créait les villes, comme le prouve le nom de port