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à la formation que les géologues appellent éocène. Elle est, il est vrai, de meilleure qualité et en général favorable à la culture du froment ; mais sauf une étroite lisière du littoral recouverte par de récens atterrissemens limoneux, toute la partie septentrionale fait partie de cette grande plaine cimbrique qui a été soulevée au-dessus du niveau de la mer par l’une des dernières révolutions du globe, et qui étale encore à l’œil attristé du voyageur, au nord de l’Allemagne, le long de la Baltique et jusqu’en Russie, ses steppes uniformes de sables arides, entrecoupés de lacs et de marais.

César et quelques auteurs anciens qui font mention du pays occupé par les Morins et les Ménapiens en parlent comme d’une contrée sauvage, défendue au midi par des forêts et couverte au nord par de vastes marécages ou inondée par les flots de la mer, qui l’envahissaient à marée haute. L’Escaut, la Lys, la Lieve, l’Yser, la Dendre, toutes ces rivières qui, maintenant endiguées, font la richesse des campagnes qu’elles arrosent, les transformaient alors en fondrières infranchissables. Un climat âpre, des brouillards continuels, les vents furieux de l’ouest, qui, refoulant les eaux des fleuves et de l’Océan, portaient partout le péril et la dévastation, le ciel, la terre et la mer, tous les élémens également hostiles à l’homme, achevaient de donner un aspect repoussant à cette côte inhospitalière et « sans miséricorde, » comme l’appellent les anciennes traditions. Le pays était tellement inabordable, que, s’il fut parfois traversé par les légions du vainqueur des Gaules, il repoussa cependant la civilisation romaine, tandis que les parties mieux situées de la Belgique finirent par adopter les mœurs et la langue des maîtres du monde. Encore aujourd’hui, quoique le climat semble s’être adouci, il est beaucoup plus rude que celui de l’Angleterre, et repousse un grand nombre de pratiques agricoles en usage de l’autre côté du détroit. Les hivers sont plus rigoureux parce que le souffle glacé du vent d’est conserve en Belgique toute l’âpreté qu’il perd en traversant la Mer du Nord avant d’aborder les îles britanniques. La température moyenne est de 10 degrés centigrades au-dessus de zéro, celle du mois de janvier de 2 degrés, tandis qu’en Angleterre elle est de 4 degrés. Le climat est humide, bien que la quantité de pluie qui tombe ne soit pas très considérable, 800 millimètres par an ; mais il pleut très souvent, un jour sur deux en moyenne, circonstance qui serait très favorable aux prairies naturelles, si malheureusement le sol n’était pas plus disposé à produire des bruyères et des carex que des graminées.

Ainsi une terre à la fois sablonneuse et humide, dépourvue d’élémens calcaires, souvent avec un sous-sol de tuf ferrugineux ou de cailloux roulés, en beaucoup d’endroits exposée aux inondations des fleuves qui l’arrosent, telle était la contrée à laquelle les populations flamandes durent arracher leurs moyens d’existence. Grâce