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la dépendance. Ministre breton, pénétré des passions alors partagées par son pays tout entier, Landais choisit de deux maux celui qu’il estimait le moindre, et, si l’on excepte quelques grandes maisons dévouées à la France, la nation ratifia le choix du trésorier ; mais la Providence, qui ne laisse pas toujours l’homme maître du lendemain, lui permet plus rarement encore de disposer de l’avenir. Le cours des événemens rendit bientôt impossible cette union, qu’il aurait fallu dix ans pour consommer. Le roi d’Angleterre étant mort en 1483, le monstre qui usurpa le trône fit immoler les deux enfans d’Édouard, auxquels la poésie et la peinture ont conféré chez nous une popularité mélancolique. Le fiancé de la jeune 1nne de Bretagne périt sous les coups d’un autre Jean sans Terre, comme par une sorte de fatalité attachée à quiconque aspirait à s’asseoir sur le trône celtique du premier Arthur.

L’avènement de Richard III renversa par la base toute la politique de Landais. Ce ministre néanmoins attachait à l’actif concours de l’Angleterre une importance si décisive que, luttant corps à corps contre les obstacles qu’accumulaient chaque jour les événemens sur cette scène mobile, il résolut de reconquérir l’alliance anglaise d’abord au prix d’une guerre, et plus tard au prix d’un crime. Il excita donc vivement le comte de Richemond, et probablement par l’espérance d’une union avec la jeune princesse bretonne, quoique rien ne vienne l’établir, à passer, pour renverser la tyrannie d’un assassin, dans le royaume, où le chef de la maison de Tudor était appelé par tout le parti de la rose rouge. Landais le pourvut d’argent, de navires, d’armes et d’un corps auxiliaire, qu’il se proposait de faire suivre par des forces beaucoup plus considérables, déjà rassemblées sur le littoral breton. Parti de Saint-Malo, le prince parut en vue des côtes d’Angleterre, mais pour y être témoin de la défaite de ses amis et de l’exécution de Buckingham, sur le concours duquel il avait fait reposer toutes ses espérances. Il dut revenir en Bretagne, en laissant au ministre du duc, au lieu de la perspective d’une alliance intime avec l’Angleterre, celle d’une guerre contre Richard III, qu’il faudrait soutenir concurremment avec la lutte contre Louis XI.

Une telle situation était trop redoutable pour que Landais ne tentât pas d’en écarter à tout prix les périls. Il était trop de son siècle, sa probité politique n’était pas assez fortement trempée pour qu’il s’inquiétât beaucoup des moyens. Avec la simplicité calme et sauvage de cette école dont Machiavel se fit bientôt le théoricien, Landais proposa donc à Richard III de remettre le comte de Richemond entre ses mains, s’il s’engageait à attaquer immédiatement la France et à entretenir en Bretagne un puissant corps auxiliaire d’archers