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vaient hautement toute pensée de séparation, et qui proclamaient la nécessité de demeurer dans la légalité. L’élection devait démontrer que les séparatistes étaient à l’état de minorité, même dans les états où ils semblaient avoir la prépondérance politique.

Le 6 novembre arriva. La ville de New-York, dominée par les influences que nous avons décrites, donna une majorité de 28,000 voix à la triple fusion; mais les suffrages de l’état n’en furent pas moins acquis à M. Lincoln, pour qui les campagnes votèrent avec un irrésistible enthousiasme. Dans la Pensylyanie, les républicains s’étaient attendus à voir décroître la majorité qu’ils avaient obtenue en octobre : elle monta au contraire de 30,000 voix à 80,000. Tous les états libres, à l’exception du New-Jersey, où la coalition l’emporta, votèrent pour M. Lincoln : ils lui donnèrent 169 suffrages, c’est-à-dire 17 de plus que la majorité absolue. Les états du centre : Delaware, Virginie, Maryland, Tennessee, Kentucky, c’est-à-dire les plus anciens, les plus riches et les plus peuplés des états à esclaves, votèrent pour M. Bell, qui eut 5,7 voix, en comptant les sept voix du New-Jersey. M. Breckinridge ne l’emporta que dans les neuf états les plus méridionaux : le Texas, la Louisiane, l’Arkansas, l’Alabama, le Mississipi, la Floride, la Géorgie et les deux Carolines; encore dans plusieurs de ces états il n’obtint qu’une très faible pluralité sur M. Bell, et il aurait succombé dans tous, si les partisans de M. Douglas avaient consenti à voter pour M. Bell, candidat des unionistes. Le moins favorisé des quatre concurrens fut M. Douglas, dont la candidature ne triompha que dans le Missouri. On lui attribue aussi, mais sur de simples conjectures, les suffrages de l’Orégon et de la Californie, dont le vote ne sera connu que dans un mois. Néanmoins M. Douglas a obtenu en grande partie le résultat qu’il désirait. Dans les états libres, il a eu plus de voix que MM. Bell et Breckinridge réunis, et quatre ou cinq fois autant que M. Breckinridge seul. Il a donc prouvé qu’en dehors de ses amis il n’y avait point de parti démocratique dans le nord. Dans les états du centre, sauf le Missouri, il a succombé devant M. Bell, mais il a laissé loin derrière lui M. Breckinridge. Enfin, même dans les états de l’extrême sud, il a encore obtenu des minorités respectables. Il a donc, dans sa défaite, la consolation d’avoir démontré l’impuissance du parti exalté.

Cette démonstration est le fait le plus important de l’élection de 1860, car elle dissipe toutes les craintes qu’on pouvait avoir d’un conflit. En présence du nord unanime, il aurait fallu que le sud fût également uni, également décidé à ne rien rabattre de ses exigences. Le vote des cinq états qui ont donné la majorité à M. Bell et le vote du Missouri équivalent à une déclaration de fidélité à l’union. Les