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des finances publiques et qui ramènerait l’économie dans tous les départemens ministériels.

A mesure que s’accroissaient les chances de succès des républicains, le découragement gagnait leurs adversaires. Les unionistes ne faisaient aucun progrès au nord : le choix fait par les républicains les avait complètement déroutés; ils s’étaient attendus à la candidature de M. Seward et s’étaient préparés à exploiter les haines et les terreurs que ce nom éveillerait. La nomination d’un ancien whig sans antécédens compromettans, à la modération duquel M. Benjamin, de la Louisiane, avait lui-même rendu hommage en plein sénat, déjouait toutes leurs espérances et renversait toutes leurs combinaisons. Ils ne virent point venir à eux, comme ils s’en étaient flattés, les classes conservatrices, que la candidature de M. Seward aurait alarmées. Les souvenirs de 1856 ne leur étaient pas favorables; la faiblesse numérique du parti s’était montrée trop manifestement et laissait peu d’espoir de conquérir la majorité dans aucun des états libres; enfin l’enquête parlementaire, et ce n’était pas la moins curieuse de ses révélations, avait appris que les unionistes n’avaient pas toujours été fidèles à leur drapeau : en 1856 par exemple, le comité directeur du parti démocratique avait dépensé des sommes considérables pour subventionner dans les états du centre des journaux, des orateurs et jusqu’à des comités unionistes, à cette seule fin de diviser les voix des adversaires de M. Buchanan, et c’était à cette tactique que le président avait dû son succès en Pensylvanie et son élection. On désignait les journaux et les hommes qui avaient joué ce rôle d’appekeurs et le chiffre des sommes que chacun avait reçues. Ces révélations pesaient lourdement sur le parti unioniste, rendaient toutes ses démarches suspectes, et faisaient hésiter bien des gens qui, prêts à se ralliera un parti sérieux, craignaient d’être les dupes et les instrumens d’une intrigue. Quant aux deux fractions du parti démocratique, elles étaient plus ardentes à se déchirer l’une l’autre qu’à combattre l’ennemi commun. A force d’entendre répéter par l’une que Lincoln valait cent fois mieux que Douglas, et par l’autre qu’il était préférable à Breckinridge, tous les esprits se familiarisèrent avec le triomphe du candidat républicain. Aussi l’élection de 1860 n’a-t-elle point présenté le spectacle émouvant de l’élection de 1856. Ce n’était plus cette lutte ardente, passionnée, fiévreuse, de deux grands partis également sûrs de leurs forces, et entre lesquels la victoire demeure incertaine jusqu’au dernier jour. Confiance d’un côté, découragement, prophéties lugubres et récriminations de l’autre, ainsi peut se résumer l’attitude des partis. La campagne électorale emprunta tout son intérêt à la position et à la conduite de M. Douglas. Des quatre candidats en présence, c’était celui qui avait la plus grande valeur personnelle,