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M. Avery, de la Caroline du nord, substitua au projet de M. Slidell une rédaction moins agressive dans la forme, et qui fut adoptée par 17 voix contre 16, les délégués de l’Orégon et de la Californie s’étant joints aux quinze délégués du sud, sur la promesse qui leur fut faite que le général Lane, sénateur pour l’Orégon, serait le candidat à la vice-présidence.

En présentant à la commission le projet de la majorité, M. Avery tint un langage très net et très résolu. Le temps des équivoques et des demi-mesures était passé, dit-il; le sud avait été jusqu’à la dernière limite des concessions, il lui fallait désormais une satisfaction complète. La théorie de la souveraineté des pionniers était une attaque plus dangereuse pour le sud que le proviso de Wilmot[1], parce qu’elle était moins franche. M. Payne, de l’Ohio, au nom de la minorité, prit la défense de la doctrine qu’on venait d’attaquer; elle était chère aux hommes du nord, et elle ne pouvait être abandonnée par eux. Si le parti démocratique la répudiait, il ne devait plus compter désormais sur une seule voix dans les états libres, et bientôt il aurait cessé d’exister. L’antagonisme profond que trahissaient ces deux discours produisit d’autant plus d’impression sur l’assemblée que le langage des deux orateurs était parfaitement calme et mesuré. M. King, qui avait été gouverneur du Missouri, fit alors un appel à la concorde et à la conciliation. Il se déclara contre la rédaction de la majorité. Même avec un pareil programme, on pouvait compter sur la victoire dans le Missouri; mais il n’hésitait pas à reconnaître qu’on rendait le succès impossible dans les états libres : n’était-il pas imprudent de condamner à une défaite certaine des alliés dont le concours avait été si précieux, et n’était-ce pas mener le parti tout entier à la ruine? Le chef des exaltés, M. Yancey, se leva aussitôt, et les applaudissemens qui éclatèrent immédiatement dans les galeries indiquèrent assez quels sentimens animaient les populations du sud. M. Yancey protesta contre le langage que venait de faire entendre le représentant d’un état à esclaves, et surtout d’un des états les plus exposés aux menées des abolitionistes. Le sud n’avait plus de chances de salut que dans une conduite énergique et résolue. Etait-il possible qu’après l’expérience de 1856, après les déceptions et les échecs qui l’avaient suivie, on pût songer encore à recourir aux mêmes manœuvres et aux mêmes expédiens? Mieux valait cent fois pour le sud succomber en avouant

  1. Pendant la dernière guerre contre le Mexique, M. Wilmot et les autres free-soilers, ou partisans de la liberté du sol, avaient introduit dans toutes les mesures qui avaient pour objet la continuation de la guerre ou la conclusion de la paix une clause ou proviso portant que l’esclavage ne pourrait être introduit dans les provinces dont la cession serait exigée du Mexique.