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le moyen de les enlaidir encore. J’entends quelques femmes exiger une exception pour M. Dubuffe. Laissez enfin la peinture officielle usurper les meilleures places, parce qu’elle a été commandée, et reléguer dans les coins les bons tableaux, parce qu’ils ne l’ont pas été : ce qui est logique. Les congrès de diplomates, les députations en habit noir, les maires et les adjoints qui présentent les clefs d’une ville, sont des sujets qui ne brillent pas par la poésie, mais qui apprennent à l’art qu’il ne doit pas toujours s’enivrer du spectacle de la beauté. Quant aux uniformes, aux épaulettes, aux bottes à l’écuyère, rien n’est plus propre à faire vibrer la fibre nationale : le Français, qui aime la guerre plus qu’il ne le pense, s’épanouit lorsqu’il entre dans le salon d’honneur (n’est-ce pas le nom qu’on lui donne?) et se croit à une revue du Champ-de-Mars. Pour que rien ne manque à la fête, ne refusez pas les descentes de la Courtille, qui sont si tristes, et les enterremens de M. Courbet, qui sont si gais. Lorsqu’on fait une petite débauche, on ne saurait la faire trop complète; mais on ne saurait aussi la faire trop courte. C’est pourquoi je demande qu’au bout d’un mois, l’exposition soit suspendue. La mesure n’aura rien d’insolite, car chaque année, à pareil terme, les portes restent closes pendant plusieurs jours. On profite de ce répit pour changer de place quelques toiles et quelques statues, sous prétexte de leur donner à tour de rôle l’ombre ou la lumière, les points de vue contraires ou favorables. Alors seulement s’appliquera la réforme que je propose, quand les impatiences sans but, les ambitions sans souffle, les vanités sans fondement seront tombées, quand la foule, les artistes et la presse auront jeté leur premier feu. Alors s’ouvrira le concours solennel dont le principe était énoncé tout à l’heure. L’exposition finira pour les œuvres médiocres, elle ne fera que commencer pour celles qui seront dignes d’être offertes à l’attention et aux éloges de toute la France.

L’Académie des beaux-arts est constituée de nouveau en jury; elle dépouille toute douceur et s’interdit l’indulgence, parce qu’il s’agit, non plus de ménager les artistes, mais de soutenir l’art lui-même, non plus d’encourager des débutans, mais de défendre les saines traditions. L’admissibilité n’avait pas de limites : un concours en a de si étroites que toute complaisance pour un des concurrens se traduit par une injustice envers un autre. Des rangs sont fixés, des prix, des médailles, des mentions sont décernés selon l’usage. Quand les vaincus ont été emportés, quand les vainqueurs ont été replacés tous dans un jour favorable qui ne leur est plus disputé et dans des salons qui seront justement nommés des salons d’honneur, les portes du Palais de l’Industrie sont rouvertes. La foule est admise de nouveau à contempler une rare et significative exposition, à laquelle président l’ordre et le respect du beau. Au lieu de ces