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et d’autres journées célèbres. Le gouvernement d’alors plaçait une telle confiance dans le long bow, comme étant la force de l’Angleterre, qu’il s’opposa longtemps aux premiers tirs d’armes à feu qui cherchaient à s’introduire dans les villes et les campagnes. La carabine, ce fusil perfectionné, devait rencontrer à son tour la même résistance. Inventée vers 1567 par un ouvrier allemand, elle ne s’était d’abord répandue que dans les montagnes du Tyrol et dans les vastes plaines de l’Amérique. Durant la guerre de l’indépendance, les Anglais eurent lieu de reconnaître à leurs dépens la supériorité de cette arme. Tandis que leurs soldats avec les antiques fusils faisaient plus de bruit et de fumée que de besogne, les volontaires américains, armés de leur carabine, visaient pour ainsi dire l’ennemi homme par homme, et abattaient dans les rangs les plus courageux. Dès cette époque une réforme dans le système de mousqueterie était devenue la question à l’ordre du jour. Par malheur, la résistance au progrès et aux innovations utiles s’abrite quelquefois sous l’autorité de grands noms. Le duc de Wellington regardait l’ancien fusil à chien et à pierre comme la meilleure arme de guerre, et souriait à l’idée de convertir les soldats anglais en riflemen. N’était-ce point avec ce lourd et primitif fusil qu’il avait gagné la bataille de Waterloo ? Sans la guerre de Crimée, il est probable que les Anglais ne seraient point encore débarrassés de ce vénérable ancêtre, car Brown-Bess était une sorte de personnification comme John Bull. C’est pourtant à l’introduction de la carabine dans tous les régimens que l’Angleterre doit d’avoir réprimé si promptement la dernière sédition des Indes. Les volontaires ne pouvaient faire mieux que d’adopter une arme qui offre dans tous les cas de si grands avantages, mais surtout dans une guerre de partisans. Je ne m’étendrai point sur les changemens que la carabine doit amener dans la manière de se battre, il en est un pourtant qui mérite d’être indiqué. Jusqu’ici les deux corps d’armée ennemis se rapprochaient pour se tuer à une assez faible distance ; c’est à peine aujourd’hui s’ils pourront s’apercevoir. Un Anglais me faisait observer en riant que ce nouveau système rassurait jusqu’à un certain point sa conscience : « En cas de guerre, disait-il, nous ne tirerons plus sur des hommes, nous tirerons sur des points noirs. »

La pratique de la carabine semble être, dans l’idée de la rifle association, le complément de l’institution des volontaires. Dans l’idée du gouvernement anglais, c’en est au contraire la pierre fondamentale. Une circulaire du ministre de la guerre déclare qu’avant d’obtenir la sanction de l’état, tout corps de riflemen doit obtenir un terrain d’au moins 200 mètres pour le tir à la carabine. Cette condition, je l’avoue, a été critiquée à cause des obstacles qu’elle ajoute à la formation, déjà si laborieuse, d’une brigade. En Angle-