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Cette dissemblance se fait surtout remarquer parmi les corps de riflemen. On a pourtant pratiqué dans ces derniers temps de très curieuses expériences sur les couleurs plus ou moins visibles aux différentes heures du jour et selon l’état de l’atmosphère claire ou obscure, rayonnante ou pluvieuse. Il résulte de ces études que le gris et le brun rougeâtre sont les teintes les moins apparentes, du moins dans un paysage anglais, car ces lois de perspective doivent changer avec les situations géographiques. D’assez nombreux corps de riflemen se sont néanmoins prononcés pour un vert très foncé qui ne ressemblerait guère, dans le midi de la France, au feuillage des arbres ni à la nuance des prés, mais qui, dans la Grande-Bretagne, où la végétation est toute différente, se confond assez bien avec la sombre verdure du pays. Comme ces corps de tirailleurs sont surtout destinés à faire la guerre de buissons, il est aisé de saisir l’importance des rapports entre la couleur de l’uniforme et la couleur générale de la contrée. Les naturalistes anglais ont déjà fait remarquer depuis longtemps avec quelle admirable prévoyance la nature semble avoir assorti la robe des animaux au ton particulier des milieux qu’ils habitent, afin de les soustraire aux attaques de leurs ennemis. Ces considérations, je dois le dire, ont été perdues de vue par certaines compagnies de rifles qui ont plutôt consulté l’élégance que l’utilité. Les volontaires ont un ennemi, et cet ennemi qu’il faut chercher dans leurs propres rangs est le dandysme. Plusieurs d’entre eux ont trop sacrifié à la mode et à la coquetterie militaire. Après tout, le mouvement est jeune, et il ne faut point s’étonner de ces signes d’enfantillage, qui disparaîtront avec le temps, surtout si l’opinion publique les frappe de ridicule. L’expérience a d’ailleurs démontré que l’uniforme le plus simple était celui qui avait le plus de caractère. Les corps que j’ai toujours vus les plus applaudis sont ceux qui portent une sorte de képi, foraging cap, une tunique un peu flottante, un pantalon large, avec une ceinture et des buffleteries de cuir jaune ou noir. À ce point de vue, l’idéal du riflemen résulte d’une espèce d’alliance entre la tenue du chasseur et celle du soldat.

D’après les intentions du ministre de la guerre, l’arme des volontaires devait être déterminée par les conditions géographiques de la localité. Dans les villes maritimes, dans les ports de commerce et à l’embouchure des rivières, il conseillait la formation de petits groupes d’artilleurs se ralliant autour d’une seule pièce de canon, dont ils seraient ainsi plus à même d’étudier le pointage et la portée. Dans les campagnes au contraire, il signalait les services que pourraient rendre des bandes de riflemen, connaissant bien la nature du pays, et dont les membres, ou, pour mieux dire, les camarades étaient habitués dès l’enfance à se reposer les uns sur les autres. Je n’affir-