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le caractère de cette charge de cour, qui fut pour le ministre non pas le marchepied, mais le complément de sa faveur.

Quant aux débuts de la carrière de Landais et aux circonstances qui attirèrent sur ce jeune homme les regards de son souverain, il faut renoncer à lever le voile épais qui les enveloppe. Pour les services secrets, que certains commentateurs n’ont pas manqué de transformer en complaisances honteuses, on ne peut les appuyer sur aucun fait ni même sur la plus légère induction. Landais était ministre deux ans au moins avant l’arrivée de la dame de Villequier en Bretagne; rien n’établit qu’en aucune circonstance il y ait eu entre eux entente et concert politique, l’opinion contraire paraît même beaucoup plus plausible ; enfin le nom de cette dame ne figure dans les comptes du trésorier que pour le paiement des termes de la pension qui lui avait été assignée par le duc de sa suprême autorité. Un témoignage authentique vient d’ailleurs renverser par la base cette vague accusation. Marguerite de Bretagne, l’épouse indignement délaissée de François II, institua Pierre Landais son exécuteur testamentaire[1], lui remettant l’accomplissement de ses plus chères et plus secrètes volontés, et ce n’est pas devant un tel témoignage de confiance donné en présence de la mort par la douce victime des longues infidélités de ce prince qu’il est possible d’accuser son ministre d’une complicité odieuse et de services infâmes. Si Landais reste pour nous le fils d’un tailleur, il ne sera donc plus un proxénète; son honneur privé est hors de cause, car le testament de Marguerite protège plus la mémoire du malheureux trésorier que ne la compromet l’arrêt qui lui enleva la vie.

Je vais suivre jusqu’à la catastrophe qui la termina la carrière agitée de cet homme, en butte à des inimitiés assez puissantes pour engager la postérité dans leur cause. Je n’aurai sous la main que les écrits de ses accusateurs : ce sera le plus souvent en m’appuyant sur le texte même de Bertrand d’Argentré que j’exposerai la vie politique de Landais, et j’ai pourtant la ferme confiance que les imputations parfois absurdes, presque toujours invraisemblables, où la passion égare la droiture habituelle de l’écrivain, laisseront à tous les hommes sincères l’impression de pitié profonde que j’ai ressentie moi-même.


LOUIS DE CARNE.

  1. Testament de Marguerite de Bretagne. — Preuves de l’Histoire de dom Lobineau, t. II, 1315.