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pour triompher de ces résistances, étaient placés dans une condition bien moins favorable que les rois, car ces rois eux-mêmes étaient les incitateurs infatigables et les soutiens peu scrupuleux de toutes les insurrections baroniales. L’on pressent donc l’issue du combat qui va s’engager et le sort réservé au Richelieu de boutique à la cour de Nantes, où Pierre Landais n’avait pour se couvrir qu’une souquenille de laquais au lieu d’une soutane rouge.


II.

Successeur d’Arthur III, son oncle, mort sans postérité, le dernier duc de Bretagne, François II, commença en 1458 un règne écoulé dans les orages et terminé par une catastrophe. Comte d’Étampes du fait de son père, puîné de la maison ducale, comte de Vertus à titre d’héritier de Marguerite d’Orléans, sa mère, ce prince était plus Français que la plupart de ses prédécesseurs par les instincts et par les intérêts. Il avait l’esprit brillant, le goût des arts, des mœurs élégantes et douces, et on le vit déployer au début de sa carrière une activité militaire qui ne tarda pas à s’affaisser sous la double épreuve des difficultés et des plaisirs. Protégé auprès de Charles VII par les souvenirs du connétable de Richemond, son devancier, ce prince se trouva malheureusement bientôt en face de Louis XI, et dut lutter avec des conseillers divisés contre le politique le plus persévérant et le moins scrupuleux de son siècle. Louis XI avait porté sur le trône un plan préconçu : il voulait séparer ses grands vassaux, afin d’arriver à détruire, soit par l’intrigue, soit par la conquête, les deux duchés de Bourgogne et de Bretagne, qui formaient aux deux extrémités du royaume d’inexpugnables boulevards pour la féodalité encore puissante, dont l’un était d’ailleurs un poste avancé pour l’Allemagne et l’autre pour l’Angleterre. Il tourna d’abord ses efforts vers l’ouest, et sous le prétexte d’un pieux pèlerinage à Saint-Sauveur de Redon, le rusé suzerain vint en Bretagne afin d’y préparer, au milieu des pompes dont on entoura sa réception, des machinations dont aucune n’échappa à la perspicacité de François II. Parfaitement fixé sur les vues ultérieures du roi malgré ses chaleureuses protestations d’amitié, le duc se jeta, avec une ardeur que justifiait sa prévoyance, dans la fronde princière qui prit le nom de ligue du bien public. Cherchant alors un premier rôle avec un empressement qui dura peu, François vint réunir à Montlhéry une belle armée bretonne à celle des princes, qui, dès le début de cette étrange guerre, songeaient moins à vaincre qu’à traiter, à s’assurer des victoires qu’à se ménager des profits. « Il y avoit là très largement de Bretons, nous dit Comines, et sembloit à les