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jours empressé contre les ducs. Le succès si longtemps disputé de Jean IV rendit cette liaison plus intime encore, car la maison de Montfort, redevable à l’Angleterre de la couronne ducale, acquitta sa dette par une soumission presque constante au gouvernement britannique, fournissant ainsi aux hauts barons l’occasion de voiler, sous les dehors d’un dévouement désintéressé à la France, leur opposition systématique au pouvoir de leur seigneur immédiat.

Aussi Anglais au fond du cœur que l’avait été son père, Jean V porta dans sa conduite l’inconstance de son caractère, et ne changea pas moins souvent d’alliés que de conseillers. Malgré des retours passagers vers la France, son nom se retrouve parmi ceux de ses plus implacables ennemis aux jours sinistres où un prince étranger régnait à Paris avec l’appui d’une mère dénaturée et sous le couvert d’un père en démence. L’influence anglaise domina donc le plus souvent à la cour de Rennes durant la première partie du XVe siècle, et les petits-fils de Louis le Gros ne reprirent les sentimens qu’il était naturel d’attendre de leur naissance qu’après qu’une longue suite de morts imprévues eut fait tomber la couronne ducale sur le front du connétable dont l’héroïque épée avait achevé l’œuvre de Jeanne d’Arc. Collatéral de la maison de Bretagne, Arthur de Richemond avait de bonne heure cherché fortune en France. Appelé soudainement au trône à la mort du duc François Ier, son neveu, il déclara vouloir conserver, « pour l’honorer dans sa vieillesse, la charge qui l’avait honoré dans sa jeunesse. » Un pareil serviteur avait droit d’être fier et de ne rien céder de ses légitimes prérogatives. En offrant au roi Charles VII l’assurance d’un dévouement à la France dont toute sa vie avait été le gage, Arthur III lui refusa donc résolument l’hommage lige, en ne consentant à déposer son épée et à prêter serment que pour les terres et seigneuries étrangères à la Bretagne, maintenant l’entière liberté de son duché et la plénitude de prérogatives souveraines que n’avaient pu entamer, disait-il, la faiblesse et la condescendance de quelques-uns de ses prédécesseurs. Cette affirmation avait d’autant plus de poids que les principes qui présidaient au gouvernement du pays, de l’aveu des princes et des sujets, frappaient de nullité tout acte politique non ratifié par l’assentiment formellement exprimé des états, et que des protestations persistantes s’étaient produites au sein de la représentation nationale contre les concessions de Pierre de Dreux et de ses successeurs.

À l’époque sur laquelle nous allons bientôt concentrer notre attention, la Bretagne jouissait en effet du gouvernement le mieux réglé de l’Europe, et c’est dans l’attachement universel que lui portaient les diverses classes de la société que se rencontre l’explication de la longue lutte dont les dernières péripéties ont rempli l’histoire même