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de Philippe-Auguste. Une mort prématurée empêcha l’union de Henri d’Avangour, chef de la maison de Penthièvre, avec Alix, héritière des droits de son jeune frère assassiné, de telle sorte qu’après de vains efforts pour marier cette princesse à un seigneur dans les veines duquel coulât le sang de Bretagne, il fallut choisir entre l’odieuse race encore teinte du sang d’Arthur et la famille du roi politique qui avait protégé sa jeunesse. Alix accepta donc pour époux un prince de la maison de France, et Pierre de Dreux, comte de Braisne, arrière-petit-fils de Louis le Gros, vint régner sur la Bretagne.

Ce choix ne répondit à aucune des espérances qui l’avaient provoqué. En mettant à sa tête un Capétien, la Bretagne avait voulu échapper à la dynastie anglo-normande; mais Pierre de Dreux était à peine installé dans son duché qu’il traitait avec Henri III, et que, non content de faire hommage de la Bretagne à un Plantagenet, il déclarait le reconnaître pour roi de France<ref> On peut du moins l’inférer du texte de la lettre adressée par le roi d’Angleterre au pape. Voyez cette lettre aux Actes de Bretagne, t. Ier, p. 898. </<ref>. De son côté, Louis VIII avait espéré rencontrer un allié et un soutien dans un prince de son sang doué d’éminentes qualités politiques et militaires, et son fils n’avait pas encore commencé à régner que le souverain de la Bretagne se faisait l’instigateur de toutes les machinations sous lesquelles faillit succomber la régence de Blanche de Castille. Plus remuant qu’ambitieux, plus capable de nuire à autrui que de se servir lui-même, Pierre de Dreux s’engagea dans une carrière non moins agitée que stérile. Par la nature de ses passions comme par celle de ses habiletés, ce personnage semble moins appartenir à son époque qu’à la nôtre, car lorsqu’il ne fond pas sur les Sarrasins la lance à la main aux champs de la Palestine, il est comme dépaysé dans son propre temps, où il n’éveille aucun écho et ne provoque aucune sympathie. Odieux à ses barons, en horreur aux évêques, Pierre Mauclerc ne tarda pas à succomber sous le génie de son siècle, et finit par désavouer toutes les tentatives à la poursuite desquelles s’était épuisée sa vie; mais la Bretagne ne paya pas moins cher son repentir que ses fautes, car, avant de résigner la couronne et de la faire passer sur la tête de son fils Jean Ier, Pierre, réconcilié avec la France, resserra tous les liens qui unissaient son duché au chef de sa race, et admit, chose sans exemple jusqu’alors, l’appel au parlement de Paris des arrêts rendus en certains cas par ses cours de justice. Sous Philippe le Bel, le duc Jean II rendit cette dépendance plus étroite encore en acceptant, malgré les éclatantes protestations de ses sujets, le titre de pair de France, qui lui fut conféré par