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Il est vraisemblable, il est certain que la nature a entouré des plus grandes difficultés la reproduction des êtres animés, et leurs variétés ne sont pas infinies. Les espèces au contraire sont parfaitement distinctes, et ouvrent aux naturalistes un champ étendu, mais borné, d’ingénieuses classifications et de théories élégantes. La production spontanée dérogerait à ces règles immuables. La ressemblance avec les parens ou avec les animaux plus anciens serait nulle, et tandis que des individus disparaîtraient sans cesse, d’autres seraient créés à chaque instant sans analogies avec les êtres connus. Il n’y aurait bientôt plus d’espèces, ni de classes, ni de classifications, ni de naturalistes. Il n’en est pas ainsi, et depuis que les hommes regardent autour d’eux, probablement depuis qu’il y a des hommes, des animaux semblables naissent, vivent, se reproduisent et meurent. Cependant à cette objection n’est-il pas permis de répondre : Oui, la confusion pourrait être prompte, mais elle est évitée par l’une de ces deux hypothèses, ou bien les grands animaux ne peuvent jamais être produits, comme les infusoires, par l’organisation spontanée de la matière amorphe, ou bien le hasard n’a jamais pu et ne pourra jamais amener la production d’une substance favorable par sa composition et son état à leur production et à leur développement ? N’avons-nous pas remarqué d’ailleurs que les infusoires sont très variés dans leurs formes, et peuvent difficilement être classés ? Ces questions sont tellement délicates, les conditions du problème sont si difficiles à préciser qu’à une conséquence qui semble inévitable on peut toujours objecter un fait qui est vrai, quoique la cause en soit inconnue. Les infusoires seuls se développent dans les infusions qui semblent contenir les élémens d’êtres plus complexes. Pourquoi ces derniers ne naissent-ils jamais de cette façon ? On l’ignore ; mais dans l’état actuel de la science c’est un fait incontestable. Avant de tenter d’en connaître la cause, les hétérogénistes peuvent l’admettre, car l’important est d’abord de bien constater la naissance des infusoires. Peut-être découvrira-t-on plus tard la cause qui semble les séparer si profondément de tous les êtres vivans.

Certes les physiologistes ne manquent pas qui pensent que la plupart des phénomènes de la vie, de la nutrition, de la respiration, ne dépendent pas d’une force particulière, mais sont le résultat naturel du jeu des forces chimiques et physiques. D’ordinaire pourtant ils admettent une cause première, une impulsion primitive qui divise profondément le règne minéral et le monde organique, la nature vivante et la nature morte. Comme Newton démontrait la durée et les lois du mouvement des astres, mais croyait à une main toute-puissante qui au commencement des siècles les avait lancés dans l’espace, de même, l’impulsion de la vie étant donnée à l’or-