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lettes d’infusoires, tout enfin excepté des ovules. Enfin M. Charles Robin, l’un des premiers micrographes de notre temps, a même pensé que ces petites granulations arrondies que l’on pouvait prendre pour des germes sont ou paraissent être des grains de fécule, très communs surtout dans les pays où la farine de blé est l’aliment principal des habitans.

La variété infinie des végétaux inférieurs qui se développent dans les cas cités par les hétérogénistes semble aussi pour eux un argument excellent, comme la variété des animalcules. Le nombre est grand des substances qui en se décomposant produisent un végétal particulier, et les mélanges rendent ce nombre encore plus extraordinaire. Il n’est guère concevable que l’air renferme des milliers de graines, de spores reproducteurs de ces cryptogames. En traçant un dessin sur la colle de farine avec une infusion de noix de galle, on développe un végétal (aspergillus primigenius) qui en suit les contours et qui n’avait jamais été vu nulle part. Il paraît difficile d’admettre que dans tout air subsistent des semences d’une plante qui pouvait jusqu’à la fin du monde ne jamais naître, si M. Pouchet n’avait pas eu l’idée de recouvrir de la colle de farine avec une infusion de noix de galle. S’il s’agit là d’une simple combinaison chimique, la difficulté disparaît ; mais elle existe encore pour toutes les substances qui peuvent remplacer la noix de galle et amener le développement de végétaux inconnus. M. Bérard a déjà cité ce champignon singulier qui ne naît que dans les mines, et seulement sur les gouttes de suif que laisse couler la chandelle des mineurs. D’autres n’apparaissent que sur les sabots des chevaux morts, d’autres sur les cadavres d’araignées, sur la queue d’une certaine chenille. Enfin il y a là une telle variété, une telle multitude, que l’admiration ordinaire des naturalistes pour la fécondité prodigieuse de la nature pourrait se changer en un dédain profond pour cette abondance stérile et infinie.


III.

Ces expériences et ces faits paraissent peut-être bien multipliés ; mais comment arriver à la vérité, sinon par des faits et des expériences ? Celles-ci sont faites avec soin, avec intelligence, et si l’on parvient par l’observation à résoudre le problème, elles y auront beaucoup contribué. La théorie qu’elles tendent à établir aurait une grande importance pour la connaissance de la vie, de sa transmission, de son origine. Au reste le système de M. Pouchet n’embrasse point les animaux supérieurs aux infusoires, et il n’a garde de généraliser ses conclusions ; mais pour ceux-ci même la conclusion