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rens, sans germe, sans œuf, par la simple rencontre accidentelle ou prévue des substances qui le composent et par leur combinaison chimique ? Une réponse négative se présente aussitôt, accompagnée de mille bonnes raisons, s’il s’agit de ces animaux compliqués, un cheval ou un bœuf, un poisson ou un chien, et parmi ces raisons la meilleure est qu’on n’a jamais vu les choses se passer ainsi, et que toujours un œuf, des parens, une graine ont été vus ou devinés ; mais ne peut-on pas hésiter, lorsqu’on s’occupe de ces végétaux si peu compliqués, de ces champignons, de ces moisissures qui apparaissent sur les arbres ou sur le pain, de ces animaux microscopiques qui semblent plus simplement organisés que certains cristaux inorganiques, qui pullulent dans les infusions végétales, dans la chair en décomposition, sans qu’eux-mêmes ou leurs parens y aient été mis ? L’analogie de ces êtres, quant à leurs mouvemens et à leur vie, avec les végétaux et les animaux supérieurs nous porte à croire qu’ils doivent naître d’une façon semblable. Cela est vrai, du moins pour les hommes qui réfléchissent, car un préjugé populaire voit l’origine de bien des êtres animés dans la décomposition et la putréfaction ; mais l’analogie et l’induction ne sont pas toujours des guides sûrs, lorsqu’il s’agit des lois naturelles. D’ailleurs des plantes et des animaux se reproduisent par boutures ou par scission, de sorte que les germes et les graines ne semblent pas être toujours indispensables.

On voit que nous ne voulons parler que des animaux inférieurs confondus sous les noms de microzoaires, d’infusoires, de protozoaires, et des expériences et des observations de M. Pouchet : nous ne parlerons pas de la métaphysique de cette partie de la physiologie, à peine en indiquerons-nous l’histoire. Cette histoire et cette métaphysique nous semblent protester contre la doctrine du livre qui nous occupe, et il ne nous semble pas que toutes les objections y soient levées, mais encore une fois les objections ne sont rien et les tentatives sont inutiles pour accorder la théorie et l’expérience, tant que celle-ci ne sera pas tout à fait précise et certaine. On risquerait de perdre beaucoup d’esprit et de sophismes à raisonner sur des faits problématiques. Cherchons donc avant tout ce que M. Pouchet a vu, comment il a opéré, et quelle conclusion pourrait sortir de ses recherches. S’il est démontré alors qu’il a raison, nous laisserons les théoriciens expliquer comment et pourquoi les choses se passent ainsi, et n’auraient pu se passer autrement. S’il a tort, on démontrera l’inverse. Si, comme nous sommes disposé à le penser, ses observations ne sont pas encore décisives, mais provoquent le doute là où la certitude semblait acquise, nous conclurons qu’il faut attendre de nouveaux faits avant de hasarder une théorie.