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faites, l’une intitulée : Constantinople, ville libre, par M. Dionyse Rattos. Je suis bien sûr que l’auteur connaît l’Orient et qu’il y a vécu, mais je ne suis pas sûr qu’il nous ait dit son nom. L’autre, intitulée : Rome et Constantinople, sans nom d’auteur, est écrite aussi par quelqu’un qui aime et connaît l’Orient, qui ne craint pas de faire des théories, mais qui les rapproche le plus qu’il peut de l’expérience pour les y appuyer.


IV.

M. Rattos, voyant que, toutes les fois qu’il s’est agi de prendre un parti sur l’Orient, tout a échoué parce que personne ne voulait donner Constantinople à personne, s’est fait de cette répugnance une règle et un principe. Il a changé l’embarras en expédient; il a fait de Constantinople une ville libre à l’instar de Francfort, de Brème ou de Hambourg, et je ne puis pas cacher à M. Rattos que de ce côté il m’a touché le cœur. Voilà donc enfin quelqu’un qui, de nos jours propose de créer un petit état, quelqu’un qui ne rêve pas unité et annexion, quelqu’un qui ne croit pas que les plus grosses gerbes et les plus gros faisceaux soient nécessairement les meilleurs. Du reste, M. Rattos comprend bien qu’une ville libre ne peut pas vivre seule; Cracovie n’a pas vécu longtemps entre les grands états qui l’entouraient. Quand une ville libre n’a que de très gros et très puissans voisins, ils l’appellent bien vite une ville anarchique, et sous ce prétexte ils lui ôtent son indépendance ; elle ne peut la conserver que si elle a près d’elle d’autres petits états qui lui servent d’exemples et d’autorités. Aussi M. Rattos propose de former une confédération dans l’Europe orientale; cette confédération se composerait du royaume hellénique agrandi, — des Principautés-Unies, — de la Servie, — de la Bosnie et de l’Hertzégovine érigés en états, — du Monténégro, — de la Bulgarie et de la Roumélie faisant deux états; en Asie-Mineure, il y aurait trois nouveaux états, une Arménie et deux états grecs, avec les îles de l’Archipel qui dépendent de l’Asie. Ce plan de confédération ressemble beaucoup à celui que propose M. Casati, et je demande pardon à ce dernier de n’avoir pas préféré son plan. Je dois avouer humblement que si je préfère celui de M. Rattos, c’est, je crois, parce que celui-ci fait encore de plus petits états que M. Casati. M. Casati étend son plan de confédération à la Syrie, à l’Egypte, aux régences d’Afrique. Il m’effraie. Je le vois malgré lui s’acheminer vers quelque grande unité. M. Rattos rentre plus dans mes goûts; il morcelle beaucoup l’Orient, il est vrai, mais ce n’est point par caprice et par esprit de système. Connaissant bien les contrées dont il veut régler le sort et sachant quelle est la diversité des nationalités dans la péninsule gréco-turque, il fait sa