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tirés des inscriptions, nous démontrent que plus d’un Romain, plus d’une ville peut-être honorèrent la mémoire du césar chrétien sous des formes religieuses qui lui eussent fait horreur quand il vivait.

Le départ du convoi pour Constantinople n’eut pas lieu aussitôt qu’on l’avait cru; il ne se mit en marche que vers le milieu de juillet, malgré la chaleur qui pouvait opérer la décomposition du corps. Il prit, comme tout semble l’indiquer, la direction des Alpes-Juliennes et la route militaire qui, à travers les provinces de Pannonie et de Thrace, conduisait dans la métropole de l’Orient. Le cercueil s’achemina par étapes, sous la garde de sénateurs et de soldats tirés des principaux corps de l’armée, particulièrement des cohortes palatines; leurs drapeaux étaient voilés, leurs armes renversées en signe de deuil. Une foule innombrable accourue de toutes parts leur fit cortège de ville en ville. Ils atteignirent ainsi le faubourg de l’Hebdomon, où Arcadius vint les recevoir, puis ils franchirent avec lui l’enceinte de Constantinople.

La jeune Rome, construite sous les auspices de la croix, s’était arrogé sur les empereurs chrétiens un droit de sépulture, ou du moins ceux-ci le lui avaient conféré, en suivant l’exemple de Constantin. Ce prince en effet ne voulut pas reposer dans les mausolées de la vieille Rome, comme s’il eût redouté le terrible voisinage des césars païens, ou qu’il espérât une paix plus douce au sein de la ville qu’il avait fondée, sous l’abri de ce signe auquel il devait ses victoires. Il bâtit donc de son vivant pour recevoir ses restes l’église, ou, suivant une expression consacrée, le martyre des apôtres, mausolée qui surpassa en richesse, sinon en majesté, tous les sépulcres des bords du Tibre. C’était un édifice circulaire surmonté d’un dôme d’une grande hauteur, qui laissait pénétrer le jour par des fenêtres élégamment encadrées. Un revêtement de marbres précieux et d’ornemens de bronze doré d’un beau travail le tapissait à l’intérieur du haut en bas; les voûtes étaient formées de caissons dorés, et à l’extérieur, des tuiles de bronze également doré, étincelantes au soleil, signalaient de loin ce néant des grandeurs impériales. Douze statues, représentant les apôtres, garnissaient le pourtour de la rotonde, dont le milieu était occupé par un sarcophage de porphyre, sous le couvercle duquel fut déposé, comme il l’avait voulu, le cercueil d’or de Constantin. Au fond, vers l’Orient, se trouvait un autel communiquant avec des bâtimens extérieurs destinés au service du culte. Le tout était situé au milieu d’un préau carré, à ciel ouvert, sur les côtés duquel les successeurs de Constantin élevèrent de vastes portiques pour leurs sépultures et celles de leurs familles. Ces portiques se peuplèrent peu à peu d’augustes, de césars, de nobilissimes, environnant comme une cour funèbre la tombe solitaire du premier empereur chrétien. Là vinrent reposer