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On la retrouvera dès qu’il en sera besoin, prête à se dévouer, prête à s’agiter. — Voici encore une jeune femme, élégante, spirituelle, maladive. C’est un esprit fort. Elle a tout lu, beaucoup appris; elle ne croit guère ni à Dieu, ni à la plupart des choses de ce monde, mais elle a une foi, la foi en l’Italie. Elle ne voit qu’un petit nombre d’amis, car le bruit la fatigue; le meilleur d’entre eux est un jeune homme qu’elle a formé de ses mains. Pour lui, elle s’est prodiguée; elle a mis toutes ses coquetteries, toute son âme à lui donner un esprit délié et un caractère vigoureux, à en faire un serviteur utile de la patrie italienne; puis elle l’a lancé dans la vie politique, le suivant pas à pas, applaudissant à ses audaces, l’encourageant aux sacrifices. Là est toute la vie de cette femme. Faible et épuisée, elle sert la grande cause par le bras et le cœur de son ami. C’est encore une oie du Capitole. — Il y avait à une exposition des beaux-arts, à Milan, au mois de septembre 1859, un tableau, malheureusement médiocre dans l’exécution, mais conçu d’une façon touchante. Dans une mansarde, une jeune fille assise pleure, accoudée sur une table où sont disposés, comme des restes funéraires, la capote grise et le ceinturon d’un garibaldien. Elle a les cheveux flottans; une chemise et une jupe dont elle est couverte laissent deviner ses formes vigoureuses; à l’ampleur de ses vêtemens, on comprend qu’elle est mère. Le visage exprime une douleur immense, mais calme; on y lit cette pensée : c’est moi qui l’ai envoyé à la mort, mais je l’aurais méprisé s’il n’était pas allé se battre.

Interprète poétique de ce patriotisme féminin, une jeune improvisatrice, Giannina Milli, a passé à Milan les premiers mois de l’année 1860. Mlle Milli est née dans les Abruzzes; la nature lui a fait don de soudaineté; la lecture assidue des classiques donne à ses vers la concision des grands maîtres. Mlle Milli n’a guère qu’une corde à sa lyre ; elle ne chante que les douleurs et les gloires de la patrie. Sa réputation a grandi rapidement dans les académies qu’elle a données à Milan. Elle s’avance sur la scène recueillie, inspirée; on lui indique les sujets qu’elle doit traiter; soit qu’elle chante des octaves avec un accompagnement de harpe, soit qu’elle dise des sonnets sur des rimes qu’on lui dicte, ses vers jaillissent spontanés, nerveux. Sa langue toute populaire est cependant la plus pure qu’on puisse parler; après que ses improvisations ont été recueillies par les sténographes, on essaierait en vain de les retoucher; on les dirait coulées de premier jet avec le bronze dont Dante faisait ses terzines. De fort belles pièces ont été ainsi improvisées dans les séances de Milan. Dans l’une des plus touchantes. Milan, du milieu de ses fêtes, envoie une pensée à Venise souffrante. Cette préoccupation des maux de l’Italie, de Venise surtout, est constante dans les vers