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tinguées qui, par leur autorité morale, leurs connaissances, leur expérience, sont en quelque sorte les représentans naturels des nouvelles provinces, et après avoir reconnu que ces institutions furent suspendues pendant la durée du royaume d’Italie sans que les communes aient cessé de prospérer. » C’est en effet le régime de 1808 que M. Rattazzi a remis en vigueur, avec les changemens demandés par l’esprit du temps. Le propriétaire n’est plus électeur et éligible qu’à la condition de payer un cens déterminé. De plus, son droit est étendu aux industriels, aux commerçans, aux lettrés, aux employés civils et militaires, aux citoyens décorés, aux professeurs, notaires, avocats, etc. La loi nouvelle fait acception d’une foule de questions de personne dont l’ancienne ne s’était jamais préoccupée. Nul ne peut être représenté ni donner son vote par écrit; voilà les femmes exclues. Deux frères ne peuvent faire partie du même conseil communal: un père n’y peut être avec son fils; qu’importait à l’ancienne loi, pourvu qu’ils possédassent tous deux? Ce n’est pas ici le lieu de discuter la loi du 23 octobre 1859, que le ministère Cavour doit d’ailleurs rapporter prochainement; j’ai seulement voulu montrer combien tient au cœur des Lombards ce système du convocato, qui caractérise leur vie communale, et dans lequel on trouve la physionomie particulière à un peuple de petits propriétaires.

A quel degré de prospérité cette vie municipale a porté la Lombardie, on s’en rend compte en parcourant le pays. Le magnifique réseau des routes, l’admirable système des canaux, sont l’œuvre des communes. Les administrations étrangères, il est vrai, ont favorisé ces travaux; mais qu’auraient-elles fait sans les communes? L’initiative en Lombardie part du cœur même de la nation. Et comme tous ces petits propriétaires s’entendent bien entre eux! Au milieu de la complication des canaux irrigateurs, ne croyez pas qu’ils se querellent et se disputent les eaux. L’usage supplée aux lois. Un syndic choisi par les riverains distribue les eaux, les donne à celui-ci, les retire à celui-là avec un pouvoir discrétionnaire, sans rencontrer de difficultés, sans qu’il y ait souvenance d’un procès.

Par l’initiative des communes lombardes, l’instruction primaire s’est répandue. En 1850, sur 185,604 garçons en âge d’aller aux écoles, 137,455 y allaient; sur 183,016 filles, il y en avait 119,000. Je sais fort bien que les enfans de la campagne ne vont à l’école que l’hiver, qu’entre Pâques et la Saint-Martin ils travaillent aux champs. Ils arrivent cependant à savoir lire et écrire, et la proportion qui vient d’être indiquée, plus faible que dans les pays protestans de l’Allemagne, qu’en Prusse et en Suède, est certainement plus forte qu’en France.