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du patrice le 11 juillet 472. Quarante jours plus tard, le patrice mourait lui-même au milieu de son horrible triomphe; enfin, soixante cinq jours après la mort de Ricimer, le vil césar que celui-ci avait placé sur ce trône devenu un sanglant échafaud, le lâche, le stupide Olybrius, qui n’eût été qu’un jouet dans les rudes mains du patrice, expira aussi de mort naturelle. « La même destinée, dit M. Thierry, avait fait disparaître presque à la fois tous les acteurs de ce lugubre drame, les vainqueurs après le vaincu, les bourreaux après la victime. » Cependant la situation créée par Ricimer se prolongeait encore; l’imbécile Olybrius, après la mort du patrice, avait donné le commandement des milices à un autre Barbare, à un neveu de Ricimer nommé Gondebaut, principicule obscur, qui, dépouillé par ses frères, était venu chercher aventure à Rome auprès de son oncle. Ainsi, Olybrius descendu au tombeau, « l’empire d’Occident, sa capitale, son sénat, ses armées, restèrent entre les mains d’un petit roi burgonde chassé de ses états, et qui ne possédait d’autre titre au gouvernement des Romains que d’avoir été le neveu de leur tyran. » Tel est le dénoûment de la première partie de la trilogie.

Pendant qu’un prince romain essaie de réhabiliter le titre d’empereur et paie de sa vie cette entreprise impossible, un pauvre moine, dans une contrée presque sauvage (c’est le second drame et le plus beau de la tragique trilogie du Ve siècle), un pauvre moine, sans se soucier de Rome ni de l’empire, ou du moins dévoué avant tout à l’humanité, obtient les plus magnifiques triomphes sur les Barbares. Est-ce l’église qui venge ici les défaites de l’empire? Non; l’église officielle, soumise à l’autorité impériale, était liée à son sort, et, sauf de rares occasions, l’église a partagé ses hontes et ses désastres. C’est un point que M. de Montalembert lui-même, dans ses Moines d’Occident, vient de mettre en évidence avec une liberté d’esprit toute chrétienne. On a trop vanté cette église du Ve siècle ; on n’y voyait que les grandes figures, saint Augustin, saint Jérôme, Salvien, saint Eucher, et l’on faisait rejaillir sur toute la société ecclésiastique la pure lumière qui les couronne. A regarder les choses en détail, le spectacle est moins beau. Il était temps que la vérité fût connue. M. Amédée Thierry, animé d’une admiration si vive pour tous les témoignages de l’héroïsme chrétien, n’oublie jamais pourtant son ministère de juge, sachant que c’est là le premier devoir et l’un des plus nobles privilèges de l’historien. L’église du Ve siècle, on le voit par son tableau, a été bien souvent mesquine et tracassière, passionnée pour les petites choses et insouciante des grandes. La lourde tutelle de l’administration impériale y paralysait l’inspiration de l’Evangile. Comblée de richesses et d’honneurs, exempte des charges odieuses qui pesaient sur tant de peuples, elle