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donnent lieu à d’insolubles débats, si l’on ne pose pas d’abord un système de conditions purement ethnographiques et soigneusement purgées de toutes considérations étrangères. Je n’ai aucune envie d’entrer en un sujet aussi vaste; je veux seulement énoncer en peu de mots quelques-unes de ces conditions que je regarde comme essentielles à la caractéristique des races, des sous-races et des peuples, la race se divisant en sous-races, et les sous-races quelquefois en peuples.

Pour la race, la première et la plus essentielle de ces conditions dont je parle est la langue. Véritable produit de l’âme et reflet où se montre une conception primordiale du monde extérieur, elle indique, par les artifices grammaticaux qu’elle emploie, les combinaisons mentales et instinctives dont il est permis à tout esprit studieux d’apprécier la valeur ; elle est aussi la seule chose qu’on puisse dire certainement et rigoureusement commune à toute une race. Considérez l’immense race aryenne depuis le Gange jusqu’aux îles britanniques, et essayez, sans ce fil conducteur, d’établir le rapport qui subsiste d’origine entre des membres ainsi dispersés; mais réciproquement et en sens inverse essayez de rompre ce fil et ce rapport, de considérer des membres aussi dispersés comme étrangers entre eux, et aussitôt la langue et la grammaire montreront des identités profondes et incontestables, en établissant qu’à tous appartient un esprit qui a des analogies fondamentales. Au contraire, des différences fondamentales appartiennent à la race sémitique, dont l’esprit a créé une langue et une grammaire soumises à d’autres formes et à d’autres principes. Ainsi de races en races et de langues en langues on formera des termes positifs de comparaison. La religion aussi pourra être prise en considération; mais là les difficultés sont plus grandes, car l’on sait comment les religions se propagent et passent de peuple en peuple. Pourtant les recherches de mythologie comparée paraissent démontrer que la race aryenne a en propre un polythéisme dont elle porte partout avec elle les élémens essentiels. Quant à la race sémitique, on dispute sur la question de savoir si le monothéisme des Hébreux n’est qu’une expression plus précise d’une certaine unité religieuse propre aux Sémites, ou s’il est, au sein d’un polythéisme préexistant, une conception due au génie de Moïse.

Dans les sous-races et dans les peuples qui en dérivent, la langue doit encore être considérée, non plus comme création, mais comme modification, c’est-à-dire qu’il y a lieu d’examiner comment chacune des sous-races a modifié le fonds commun. Si la langue descend à ce rôle secondaire, la religion n’en conserve plus guère aucun; en effet, les principales religions, celles qui dominent, le christianisme, l’islamisme, le bouddhisme, sont d’origine relative-