Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 30.djvu/332

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et rudimentaires, elles n’exerçaient pas cette contrainte salutaire sur les esprits; développées par la durée et l’enchaînement des travaux dont les derniers reposent sur les précédens, et ainsi de suite jusqu’à l’origine, elles n’acceptent et ne peuvent accepter que ceux qui, se produisant par leur méthode, résultent de leurs prémisses. Et de fait rien de ce qui se produit en dehors ne réussit : ce sont de faux germes qui avortent. Ici, dans la question des races, toute spéculation a pour conditions actuelles les données actuelles de l’histoire naturelle et de la linguistique, et pour conditions futures les données futures de cette même histoire et de cette même linguistique.

Le genre humain se divise en espèces blanche, jaune, rouge et noire. Chaque espèce se divise en races. Comme il ne s’agit ici de rien de dogmatique et de complet, je me bornerai aux races qui se trouvent en Europe. Je l’ai dit plus haut, l’histoire naturelle n’aurait pas de signes ou n’aurait que des signes très douteux pour distinguer les races dans l’espèce blanche: mais la linguistique intervient et fournit des caractères de classification ultérieure. L’espèce blanche, la seule qui soit en Europe, comprend quatre races : les Aryens, les Sémites, les Ibères et les Finnois. Les Finnois occupent la Finlande, et, sous le nom de Magyars, une partie de la Hongrie. Les Ibères ou Espagnols tiennent la péninsule ibérique ; ils ont changé pour le latin leur langue nationale-, qui ne s’est conservée sous le nom de basque qu’en un coin de l’Espagne et de la France. Les Sémites, représentés seulement par les Juifs, sont disséminés partout; la langue des Juifs est une langue morte qui ne dure que dans les livres, et qui fut sœur de l’arabe. Les Aryens sont, à beaucoup près, les plus nombreux; leur extension est immense. Partis, selon toute probabilité, des hauts plateaux de l’Asie centrale, ils sont allés à l’est porter leur langue, leur religion et leur civilisation parmi les populations indigènes de l’Inde qu’ils ont ou détruites ou refoulées vers le midi, et dans tous les cas converties au brahmanisme. Non loin de leur siège primitif, ils ont fondé le puissant empire des Perses, célèbre par les conquêtes, célèbre aussi par la religion de Zoroastre et par les livres sacrés qui la conservent, et qu’aujourd’hui, dans l’Occident, on lit. et interprète. Mais c’est surtout vers l’ouest que se fit la grande émigration : à des époques reculées et sans doute fort diverses se répandirent sur l’Europe les Grecs, les Latins, les Celtes, les Germains et les Slaves. Ces peuples, ainsi que les Indiens et les Perses, parlent des langues qui, ayant en commun une même grammaire et un nombre immense de radicaux semblables, montrent des analogies d’autant plus évidentes que l’on a de chacune d’elles des documens plus anciens.

D’après la distribution qui vient d’être exposée, le nom de race ne peut plus demeurer aux populations grecques, latines, celtiques.