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cation qu’il donne tourne à la grande glorification des Celtes, ou, pour parler plus précisément de la France (et un Français n’a qu’à se réjouir de voir un étranger si plein d’une profonde et sincère admiration pour notre pays), mais aussi au grand détriment de l’Italie et de l’Angleterre. C’est là-dessus que je me sépare. Depuis que l’histoire a été clairement ouverte pour moi, j’ai toujours placé dans un très haut rang ces deux nations si différentes : l’Angleterre, avec sa haute prospérité, n’avait pas besoin qu’on lui fît justice; mais l’Italie en eut besoin, et ce n’est pas d’aujourd’hui seulement que je me suis rangé parmi ceux qui l’admirent et qui la soutiennent de leurs vœux. Le livre de M. O’Connell n’a, je l’avoue, changé mon sentiment ni pour l’une ni pour l’autre. Que si l’on me reprochait de ne connaître l’une ou l’autre que de ouï-dire et comme je connais Rome et la Grèce antiques, je répondrais qu’au point de vue purement historique où je me borne, il suffit, pour avoir une opinion sur une nation, de considérer quelles ont été ses œuvres dans les lettres, dans les arts et dans les sciences, comment elle s’est gouvernée au dedans et comment elle s’est comportée au dehors.

Venons maintenant à M. O’Connell, aux Italiens et à Iago. Comme la conception historique de M. O’Connell l’a conduit à donner aux Italiens une place secondaire en tant que race, il rencontre d’abord les Romains comme une objection anticipée. Voici donc ce qu’il regarde comme les traits essentiels du caractère romain : dans l’intelligence, nullité de la faculté organisatrice, faiblesse même de la réflexion, prééminence de la sensation et de cette compréhension concrète qui gagne en intensité parce qu’elle est étroite, et en clarté parce qu’elle porte sur l’objet. Ces traits positifs et négatifs sont manifestes par l’histoire. Les Romains n’eurent jamais un penseur, un philosophe, un système; le peu d’écrivains spéculatifs qu’ils produisirent copièrent les Grecs, et furent d’informes compilateurs de faits et de fables, comme Varron et Pline. Ils stigmatisaient du titre d’inconsistance la susceptibilité qu’avaient les Grecs pour les influences de la dialectique; leur propre stupidité apparaissait solidité, parce qu’elle ne se laissait pas ébranler par de tels mobiles. Les seuls argumens qu’ils affectaient, les seules spéculations qui les intéressaient se rapportaient aux augures et à la divination, et même leur religion n’était qu’un pur rituel, sans apparence d’âme ou de doctrine. Ce qu’ils voyaient, ils le saisissaient avec précision, avec profondeur, avec obstination, mais en s’élevant à peine au-dessus du physique, du particulier, de la pratique. Leur seule création abstraite est le code de jurisprudence, qui ne demanda ni raison ni réflexion, qui même les exclut, car la loi, étant injonctive et ne s’occupant que de faits, est non pour l’argumentation ou pour l’inspiration, mais