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nemens peuvent vous créer. C’est là, nous le craignons, un point sur lequel le récent manifeste entretient des illusions. La France n’est pas malheureusement aussi libre vis-à-vis des conséquences du mouvement italien que l’article demi-officiel paraît le supposer. D’abord, le mouvement italien ayant éclaté par notre initiative, il est clair que nous ne pouvons nous décharger absolument de la responsabilité de ses développemens ultérieurs. Ensuite, si la guerre éclate en Italie, soit par une agression autrichienne, soit par une agression piémontaise, il est presque impossible que nous en acceptions les conséquences, si elles étaient fatales au Piémont, car elles détruiraient l’œuvre de notre campagne de 1859. Enfin, même en supposant le maintien de la paix, nous avons encore en Italie une difficulté immense, et celle-là nous est toute personnelle, nous ne la partageons avec aucun état de l’Europe : nous voulons parler de la responsabilité que nous avons contractée par l’occupation de Rome envers le pouvoir temporel du pape. Il serait d’un côté puéril d’oublier que nous sommes aujourd’hui la seule puissance européenne qui fasse acte d’intervention en Italie, et d’autre part il est difficile de prévoir comment nous pourrons honorablement mettre fin à cette intervention. C’est pourtant la seule chose à laquelle nous ayons à songer, puisque le manifeste a déclaré que nous ne pouvions pas rétablir le pape dans les provinces que le Piémont vient de lui enlever. Espérons-nous que le saint-père nous tirera lui-même de cet embarras ? Mais nous ne pouvons croire que le pape actuel, que la papauté même, avant un demi-siècle consente à l’abdication du pouvoir temporel. Cependant la crise est imminente ; le pape, dépouillé de ses trois plus belles provinces et réduit au seul patrimoine de saint Pierre, conserve toutes les charges auxquelles il ne pouvait suffire qu’avec les ressources de tout l’état pontifical. Il a, par exemple, à subvenir à l’entretien d’un corps nombreux de fonctionnaires, il doit payer les intérêts d’une dette. Quel temps faut-il pour que ces besoins d’argent deviennent pressans, impérieux ? Quelques mois à peine. Finirons-nous notre fatale intervention en prêtant une escorte au pape affamé dans Rome et chassé de son trône par la banqueroute ? Nous ne parlons plus de la révolution religieuse que nous n’aurons pas eu la volonté ou le pouvoir de prévenir ; devant de telles perspectives, nous doutons que l’Europe nous décerne avec abandon la fonction d’arbitre pacificateur que réclame pour la France le manifeste récemment publié. Nous souhaitons nous tromper, mais nous craignons au contraire que l’Europe ne se tienne à l’écart pour nous laisser tout entier le poids des responsabilités et des difficultés que nous sommes allés chercher en Italie.

Pour l’Autriche, la question que les derniers événemens italiens ont fait naître était la question de paix ou de guerre. L’Autriche se croirait-elle assez provoquée par l’invasion des États-Romains, par la révolution napolitaine, par les déclamations de Garibaldi, par le langage du premier ministre de Victor-Emmanuel ? L’Autriche devancerait-elle ou attendrait-elle l’attaque dont on la menace à une date indéterminée ? Cette question a vive-