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nécessaire par le prince-régent. Les représentans les plus éminens du parti de Gotha ont trouvé place dans cette dernière chambre ; en prenant part aux affaires, ce parti a été amené à élargir les barrières autrefois inflexibles de son programme ; on n’entend plus autant parler de Petite-Allemagne, d’exclusion de l’Autriche. Les anciennes haines ne sont pas encore entièrement calmées ; mais le parti de Gotha tend visiblement à se dissoudre et à céder la place à un parti nouveau, à la fois libéral et conservateur, disposé à se contenter au début de l’organisme actuel de la confédération germanique et à faire passer le libéralisme avant l’unité.

Rien ne montre mieux la force croissante de ce parti naissant et le discrédit du parti unitaire proprement dit que le faible écho qui vient de répondre au dernier appel de la Société nationale allemande. La Société nationale a eu tout récemment sa seconde réunion annuelle à Cobourg ; on y a appris que, sur 40 millions d’Allemands, 5,369 seulement sont entrés dans les cadres de l’association qui se propose de préparer l’unité allemande ; dans ce nombre, on trouve bien peu de noms qui jouissent d’une véritable notoriété. La création de cette société a été sans doute inspirée par les succès d’une société semblable bien célèbre qui a couvert toute l’Italie de son réseau et a joué un rôle très important dans les événemens dont la péninsule est aujourd’hui le théâtre ; mais les Allemands n’ont pris à la société italienne que son nom : ils sont peu propres aux menées secrètes, à l’action occulte ; ils conspirent tout haut comme dans les tragédies classiques ; ils se réunissent paisiblement, parlent de renverser les trônes sans être inquiétés par les souverains, et tout en déclarant qu’ils veulent tout changer, ils jurent de bonne foi qu’ils sont les vrais et les seuls conservateurs. Ils se rencontrent au nom du principe d’union et ne peuvent s’accorder sur aucune question ; ils élaborent péniblement des programmes destinés à satisfaire à la fois les amis de la Petite-Allemagne, les partisans de la grande, les adhérens à la constitution impériale de 1849. Les orateurs se succédaient avec rapidité à la tribune unitaire de Cobourg : ils étaient si nombreux qu’ils ne devaient parler que dix minutes ; mais comme ils surent les remplir ! En lisant ces déclamations incohérentes, où il est question de tout, où les duchés danois, la France, la Savoie, l’hégémonie, la Hesse électorale, la Hongrie, l’Italie, se heurtent dans une inextricable chaos, on croit être sous le poids d’un cauchemar politique, ou sortir d’un de ces clubs qui s’ouvrent dans les temps de révolution, et qui s’imposent avec tant de succès la tâche d’instruire le peuple sur toutes les matières. Le seul fait instructif qui ressorte de la conférence unitaire de Cobourg, c’est que les radicaux allemands qui y formaient la grande majorité n’ont que des sympathies assez tièdes pour l’Italie. « Il nous faut Venise ! » s’écriait