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Prusse voulait rester fidèle à ses engagemens fédéraux, et qu’elle ne considérait nullement la diète de Francfort comme abolie ; il repoussa en même temps avec énergie les reproches qu’un membre de la minorité, M. de Blankenburg, avait adressés au ministère, qu’il représentait, bien à tort sans doute, comme animé d’ambitions illicites et de dangereuses convoitises, tout prêt à inaugurer en Allemagne ce qu’il nommait une politique « à la Cavour. »

L’union qui régnait entre le ministère prussien et la chambre était un voile qui couvrait des tendances trop différentes. M. de Vincke, un des membres les plus ardens de la majorité, s’écriait un jour en dévoilant les projets de son parti : « On nous demande enfin ce que nous voulons! Ce que nous voulons? Mais c’est l’unité de l’Allemagne, l’unité des tribus germaniques sous l’hégémonie de la Prusse et à l’exclusion de l’Autriche : voilà ce que nous voulons, ni plus ni moins. Les ennemis de cette unité sont les petits états, qui sont trop grands pour mourir et trop petits pour vivre. Je ne conseillerai pas au gouvernement de faire de la coquetterie avec ces états. Le gouvernement doit rechercher les sympathies du peuple allemand, et il les obtiendra par une politique franche et courageuse. C’est alors qu’il pourra faire de grandes choses! » Ces paroles, qui semblaient comme un écho du parlement de 1848, émurent l’Allemagne entière; mais le gouvernement prussien ne semble pas disposé à se rendre solidaire d’une pareille doctrine. Lors de l’entrevue de Bade, non-seulement le prince-régent couvrit de sa garantie le territoire allemand considéré dans son étendue intégrale, mais chacune des portions qui le composent. Ce qu’on offre aujourd’hui à la Prusse sous le nom d’hégémonie est ce qu’on lui offrait en 1848 sous le nom d’empire; elle n’est pas plus qu’alors prête à l’accepter. Si le conquérant de la Silésie pouvait revivre, il sourirait peut-être des scrupules de ses descendans. Si ces scrupules honnêtes doivent être respectés, c’est assurément par ceux que la politique libérale du prince-régent a ramenés au pouvoir, et il ne faut pas qu’ils donnent à penser qu’ils soient seulement l’expression d’une ambition impuissante. Malgré quelques dissidences, qui heureusement tiennent plutôt à la politique théorique qu’aux affaires du moment, la Prusse est satisfaite de son gouvernement actuel. Le régime constitutionnel a été accepté et mis en pratique par le prince-régent avec une parfaite sincérité. Par la force et la contagion de l’exemple, la monarchie du nord rendra ainsi au reste de l’Allemagne d’incontestables services; mais la gravité des circonstances, les dispositions mêmes du souverain ne sont pas faites pour encourager les vœux des réformateurs allemands, qui veulent changer tout le gouvernement fédéral. Tandis qu’ils réclament un pouvoir central puissant et capable de se faire obéir par tous les membres de la confédération, le