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cherchent point leur force dans une entente commune, dans ces communications où un souverain s’adresse ouvertement à l’opinion publique; ils sont habitués à la demander au patronage des grandes puissances. Le peuple le sait; il les voit, dans toutes les crises de la politique européenne, se réfugier auprès de leurs protecteurs, comme les brebis se serrent autour du berger pendant la tempête. Ils ont couru à Bade avec un empressement qui trahissait leurs inquiétudes, et il a fallu les écarter de Varsovie. Les petits états tournent dans l’orbite des grandes monarchies du nord et du midi, et n’ont que par courts accès l’ambition d’avoir une politique propre et indépendante. Quand ils manifestent cette prétention, on peut être sûr qu’ils agissent indirectement en faveur de l’Autriche.

Comme contre-poids aux forces de l’Autriche et des petits souverains reste la Prusse : c’est elle que l’Allemagne libérale invoque sans relâche. La monarchie du nord, prospère, maintenant l’ordre dans ses finances, unissant toutes ses provinces par l’amour de libertés communes, lui offre un point d’appui naturel; elle est devenue le représentant des idées de progrès et de réforme malgré les fautes partielles de sa politique, en dépit du pédantisme de sa bureaucratie, de la corruption et de la brutalité de sa police. Le gouvernement constitutionnel y est pratiqué, sinon depuis plus longtemps, au moins avec plus d’éclat que dans les autres pays germaniques, et depuis l’avènement du prince-régent toutes les grandes questions qui intéressent le pays ont été discutées devant le parlement de Berlin avec une liberté qui attire sur la tribune prussienne les regards de toute l’Europe. Il n’y a aucun doute que le gouvernement prussien est sincère dans ses aspirations libérales, et les amis des institutions parlementaires ne peuvent lui refuser leurs sympathies. La vérité nous oblige pourtant à dire que ces sympathies deviendraient bien plus vives, s’il y avait dans la politique prussienne quelque chose de plus franc, si les intentions et les actes y étaient mieux en harmonie. Le but auquel aspire la Prusse est noble, il est élevé; mais on ne s’entend pas assez sur les moyens d’y arriver. On veut l’Allemagne grande, unie, libre; mais on n’est pas d’accord sur les conditions de cette grandeur et de cette union. Les débats de la dernière session du parlement prussien l’ont montré en mainte occasion : pendant la discussion des affaires du Slesvig-Holstein et de la Hesse, les députés qui jouissent de la plus brillante popularité tentèrent de briser les liens qui rattachent encore la Prusse au reste de la confédération; on prononça hautement la déchéance de l’assemblée de Francfort, et l’on adjura le gouvernement prussien d’inaugurer une politique tout à fait indépendante. M. de Schleinitz, esprit timide et réservé, se garda bien de répondre à cet appel de ses amis : il déclara au contraire avec une certaine solennité que la