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s’impose en faveur des nationalités étrangères lui donnent moins de droits à entraîner les autres puissances allemandes dans son cercle d’action.

La seconde force politique en Allemagne réside dans les états secondaires, isolément peu considérables, mais formant par leur agrégation une puissance à peu près égale à celle de la Prusse : avec l’esprit qui anime les souverains allemands, la ligue des états secondaires ne pourrait avoir d’autre objet que de perpétuer le statu quo; il n’en est pas un seul qui ait la volonté ou l’ambition de conduire l’Allemagne vers de nouvelles destinées et de se mettre à la tête d’un mouvement libéral. Serait-ce le roi de Hanovre, condamné par une cécité prématurée à être l’instrument d’une étroite camarilla, n’ayant d’autre ambition que celle d’effacer les dernières traces de l’agitation de 1848? Serait-ce le roi de Wurtemberg, âgé de quatre-vingts ans et devenu, par l’expérience d’un long règne, le Nestor des princes allemands? Grâce à la facile popularité que donne une bonhomie sympathique aux mœurs nationales, ce souverain a traversé plus heureusement que tous les autres la crise de la dernière révolution ; mais depuis il s’est, comme eux, jeté dans le mouvement réactionnaire : on l’a vu notamment soutenir les injustes prétentions d’une noblesse assez avide pour réclamer un supplément à l’indemnité déjà si considérable qu’elle obtint en 1848 pour le rachat des dernières corvées. Que dire des autres souverains? Le roi de Bavière, prince trop jeune encore pour jouir d’une grande autorité dans leurs conseils, a dû la popularité à son seul avènement, qui mettait fin à de si honteux désordres: il a appelé auprès de lui des écrivains allemands persécutés dans leurs provinces; il se montre assez soucieux des intérêts généraux de l’Allemagne et favorable à l’union, mais à une union où serait trop sentie la prépondérance autrichienne. Le roi de Saxe, figure austère et triste, accablé sous le poids de nombreux malheurs domestiques, est rattaché à l’Autriche par de nombreux liens de famille, et l’excellente administration de son royaume empêche à peine les sympathies populaires de se porter du côté de la Prusse malgré de longues rancunes qui datent de 1815. Tous ces rois, ainsi que ces princes d’un rang inférieur qui forment autour d’eux une cour si nombreuse, sont avant tout préoccupés de conserver leurs couronnes, sauf le duc de Saxe-Cobourg, qui s’est fait le patron des unitaires allemands. N’a-t-on pas entendu le ministre de Hanovre, M. de Borries, après les débats du parlement prussien où la diète de Francfort avait été attaquée avec une extrême violence, jeter le premier cri d’alarme d’un sauve-qui-peut politique, et déclarer hautement à la tribune, dans la perspective d’une dissolution de l’union fédérale, que les princes allemands pourraient un jour se trouver amenés à conclure des