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l’Autriche s’était profondément aliéné tout ce qu’il y avait de libéraux en Allemagne, et les amis du gouvernement constitutionnel, satisfaits de voir le prince-régent entrer franchement dans la pratique du régime parlementaire, ne pouvaient se défendre d’une certaine sympathie pour le Piémont. On apercevait même une analogie directe entre ce qu’un député prussien nommait le parvenu italien, défendant contre l’Autriche les droits de l’Italie, et le parvenu allemand, dont la mission est de défendre contre la même puissance les droits des peuples germaniques. Le parti de Gotha attribuait à l’Autriche tous les malheurs de l’Allemagne, et lui avait voué une haine presque égale à celle des Italiens. Pour montrer jusqu’où certains esprits poussaient la méfiance, on peut rappeler qu’un député prussien, en félicitant le gouvernement de n’avoir point pris part à la guerre, alla jusqu’à dire que si la Prusse avait pris les armes, l’Autriche aurait certainement fait la paix aux dépens de son alliée et abandonné à la France les provinces rhénanes pour conserver la Lombardie. Mais l’Allemagne entière était loin de partager des sentimens aussi outrés. Dans le peuple, surtout dans les provinces du midi de l’Allemagne, plus rapprochées de l’Autriche, on ne voyait pas avec indifférence diminuer le prestige militaire d’une puissance dont l’armée avait été longtemps considérée comme le plus sûr boulevard de la confédération. La Prusse fut même au moment de perdre une partie de sa jeune popularité en essayant de résister aux entraînemens qui voulaient la pousser immédiatement au secours de l’Autriche.

La paix aurait dû mettre un terme aux inquiétudes de l’Allemagne, mais elles furent entretenues par les événemens qui la suivirent. Les changemens qui donnèrent à la France, du côté de l’Italie, la frontière des Alpes et la Savoie ramenèrent l’attention de beaucoup d’esprits sur la question des frontières du Rhin. Les mots comme les idées ont quelque chose de contagieux, et la crainte que les assimilations exprimées au sein même du parlement prussien ne fussent poussées à leurs dernières conséquences souleva les alarmes de l’Allemagne, et devint le signal d’une agitation que rien ne semble pouvoir encore calmer.

L’hostilité contre la France n’est heureusement qu’un des traits de l’agitation actuelle. Nous l’avons dit, si la guerre d’Italie a provoqué une vive sollicitude pour les questions de politique étrangère, l’avènement du prince de Prusse a déterminé des aspirations non moins vives vers un meilleur système de politique intérieure. La transformation, l’élargissement, si l’on peut ainsi dire, du parti constitutionnel, est un des résultats notables de cette situation. Il n’est plus question, comme en 1848, d’exclure l’Autriche de l’Allemagne