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Les constitutionnels de 1848 ne tardèrent pas à s’amoindrir encore par leur attitude dans l’affaire des duchés soulevés contre le Danemark : en approuvant l’armistice que les menaces de la Russie arrachèrent à la Prusse, ils blessèrent vivement les susceptibilités du sentiment national, qu’ils avaient tant cherché à exalter. Ce parti, honnête et composé d’hommes éminens, mais peu habitués à la vie publique, se compromit à plaisir par l’indécision et la faiblesse : tandis qu’il proclamait par la bouche de son regrettable président, M. Henri de Gagern, que le parlement national était souverain, il se laissait entraîner, dans toutes les occasions, vers le parti des princes par une frayeur exagérée des fureurs démocratiques ; il perdit ainsi la popularité sans réussir à gagner la confiance et l’appui des souverains. Le parti de Gotha, — tel est le nom que reçut le parti constitutionnel ou de la Petite-Allemagne quand il se sépara de l’assemblée de Francfort, — après avoir eu un instant l’espoir de régénérer l’Allemagne, eut bientôt la douleur de voir la direction politique de la Prusse tomber aux mains du parti féodal de la croix. La réaction opérée au nom du principe d’autorité fut complète; les violences et les injustices se couvrirent du manteau de la religion, et durant quelques années l’opposition libérale parut renoncer à tout, même à l’espérance.

Pendant cette longue période qui sépara 1815 de la révolution de 1848, et dont je viens de retracer les traits principaux, nous voyons l’Allemagne condamnée à la léthargie par la politique de M. de Metternich, dont l’influence prépondérante s’impose à la confédération entière. Le peuple perd par degrés toute confiance dans la diète, devenue l’instrument muet et docile de cette politique, sans savoir pourtant quels remèdes apporter aux vices de l’organisation fédérale; il s’habitue à tourner ses regards vers la Prusse, régénérée par les salutaires réformes de M. de Stein, et à y chercher, sinon un sauveur, au moins un contre-poids à l’influence détestée de l’empire autrichien. Les patriotes, exclus de la politique active par la jalousie des gouvernemens, appliquent leurs soins, dans toutes les provinces, à favoriser la régénération intellectuelle et morale du pays : ils éveillent et sanctifient le sentiment de l’unité nationale, dont ils font comme l’âme de cette renaissance littéraire et philosophique qui a jeté sa vive lumière sur le XIXe siècle; mais l’œuvre de la littérature, des écoles, des tribuns, ne pénètre que lentement dans les couches les plus profondes de la société, et l’esprit public ne se montre pas encore prêt à l’unité, quand, à la faveur des agitations de 1848, l’organisation politique de l’Allemagne se trouve tout d’un coup remise en question. L’esprit de cette opposition, si longtemps condamnée à s’agiter, en dehors du