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et en Hongrie, la réaction sévit d’un bout à l’autre de l’Allemagne; le parlement national disparut devant les souverains irrités, et la fièvre révolutionnaire fut suivie d’une longue et douloureuse prostration.

Bien que l’œuvre du parlement de Francfort ait échoué sans laisser aucune trace, c’est là pourtant qu’il faut chercher l’expression des besoins de l’Allemagne moderne, des principes et des tendances qui la divisent, le germe des dénominations qu’ont acceptées les partis. On comptait dans le parlement national une minorité démocratique et républicaine, qui suppléait au nombre par l’audace et la violence; ce parti, on peut l’affirmer, n’avait guère de racines dans un pays où toutes les fautes des princes n’ont pu encore détruire les traditions monarchiques. A côté des républicains, prêts, malgré leurs préférences personnelles, à se soumettre aux volontés exprimées du peuple allemand, la minorité renfermait encore ceux qu’on nommait les diplomates conservateurs, qui demandaient le maintien pur et simple de l’ancien ordre de choses, ou ne consentaient qu’à des changemens insignifians. Ceux qu’on appelait les constitutionnels, et qui possédaient une incontestable majorité dans la chambre, voulaient rétablir l’empire, mais au profit de la Prusse, en l’appuyant sur de larges institutions représentatives : une chambre du peuple, composée de représentans élus directement dans toute l’Allemagne, et une chambre des états devaient former le parlement de la nation. Le parti constitutionnel professait une haine profonde contre l’Autriche et cette politique impitoyable qui n’avait connu d’autres armes que la censure, les prisons, l’intolérance religieuse, la police, d’autre objet que l’abaissement du peuple et l’extinction de toute idée libérale. Décidé à ne pas offrir la suprématie à une puissance qui avait si longtemps contribué à arrêter le libre développement de l’Allemagne, et prévoyant bien que l’orgueilleuse Autriche n’abaisserait pas ses prétentions devant un empereur prussien, alors surtout qu’il aurait reçu l’investiture populaire, ce parti était prêt à rejeter l’Autriche de la nouvelle organisation politique : il reçut le nom de parti de la Petite-Allemagne par opposition à ceux qui, malgré les fautes de l’Autriche, voulaient encore lui laisser une place dans une grande Allemagne. Les constitutionnels, en parlant d’exclure l’Autriche de cette Allemagne libérale qu’ils rêvaient, se laissèrent entraîner par une défiance trop méritée à une extrémité où l’opinion générale ne pouvait les suivre. Au nom de quel principe prétendaient-ils donner à l’Allemagne de nouvelles lois? Au nom de cette unité si longtemps attendue et souhaitée, et ils voulaient porter eux-mêmes à ce principe le premier et le plus redoutable coup !