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été également rendus difficiles, et le développement des institutions libérales y rencontre de continuelles et souvent d’insurmontables entraves. Les apologistes de l’Autriche peuvent soutenir, et non sans raison, qu’en 1815 le sentiment national, tel qu’il s’est révélé depuis, n’existait avec quelque vivacité qu’en Prusse, et que là même il revêtait une couleur plutôt prussienne qu’allemande; rien ne peut cependant justifier l’esprit qui fit rejeter de la constitution fédérale tout ce qui aurait pu préparer la solidarité des diverses parties de l’union par des lois communes, par une organisation économique semblable et par la jouissance de droits politiques égaux. L’article 13 du pacte fédéral spécifiait que dans tous les états de la confédération il serait établi une constitution ; mais on ne donna aux peuples aucun moyen légal et pratique pour faire valoir ce droit. L’article 13 resta ainsi et reste encore aujourd’hui sans aucune sanction. L’acte fondamental ne définissait d’ailleurs en aucune façon les bases générales des constitutions particulières et la nature des rapports qui doivent s’établir entre les souverains et les sujets. La diète eut pour mission d’intervenir en certains cas dans les débats des princes; mais sa compétence ne fut pas étendue aux conflits des gouvernemens et des peuples. Aussi a-t-on vu les princes, dans le Hanovre et la Hesse électorale par exemple, donner, retirer, corriger, suspendre les constitutions au gré d’une peur et d’une confiance également passagères, et affaiblir ainsi par leurs propres actes le respect de la légalité. Là même où, comme en Saxe, en Bavière, en Wurtemberg, les formes constitutionnelles ont été adoptées avec quelque suite, elles n’ont été souvent qu’un appareil servant à couvrir une autorité à peu près absolue; par la servilité ministérielle, le patronage, la police, la vénalité de la presse, les princes ont retrouvé indirectement ce qu’ils semblaient abandonner. L’histoire peut livrer dédaigneusement à la satire, sinon à la comédie, les petites tyrannies plus ou moins mitigées par la douceur des mœurs et l’amour des beaux-arts, les ministres dont la morgue semble en raison inverse de la grandeur des états qu’ils administrent, les princes dont l’esprit profond ne s’aventure guère hors des chapitres de la liste civile ou de l’uniforme de leurs régimens; mais le mauvais gouvernement dans les petits états a eu souvent pour excuse et quelquefois pour raison celui des grandes puissances dont ils subissaient la pression et recevaient les inspirations. L’Autriche a pu invoquer en faveur de son système de politique intérieure la nécessité d’assurer l’unité d’un vaste empire composé des parties les plus hétérogènes; mais la Prusse s’est souvent montrée aussi peu libérale que l’Autriche : le peuple prussien n’a-t-il pas dû attendre pendant trente-deux ans cette constitution que le congrès de Vienne avait promise à toutes