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qui pourrait devenir pour ces contrées comme pour le pays tout entier une source de richesses incalculables. Imaginez en effet des forêts entières de vernis du Japon peuplées de vers à soie filant en liberté, et produisant chaque année, sans autres frais que celui de la récolte des cocons, des millions de kilogrammes de cette précieuse substance. N’y a-t-il pas là une révolution économique tout entière? Et ne pouvons-nous espérer de voir la soie devenir, comme en Chine, la matière première de tous nos vêtemens? Peut-être la substitution de la soie au coton serait-elle la solution du triste problème de l’esclavage. Ce serait en effet se faire une grande illusion que de compter pour cela sur des appels plus ou moins chaleureux aux sentimens d’humanité des planteurs américains. Tant que leur intérêt sera en jeu, ceux-ci resteront sourds à toutes les déclamations; ils trouveront sans peine des savans pour leur prouver qu’il n’est pas bien sûr que le nègre soit un homme, et resteront convaincus que l’esclavage rentre dans les vues de la Providence; mais qu’on vienne à découvrir une substance comme la soie qui remplace avantageusement le coton tout en exigeant moins de frais de culture, et aussitôt l’esclavage disparaîtra par son inutilité même, tant il est vrai qu’un progrès quelconque dans l’ordre matériel a toujours pour conséquence un progrès non moins grand dans l’ordre moral!

Les produits forestiers de la France, on a pu s’en convaincre par l’énumération que nous venons d’en faire, sont des plus variés et des plus importans. Indispensables pour nos besoins domestiques, ils alimentent, soit comme combustibles, soit comme matière première, la plupart de nos industries. Mis en œuvre par des populations nombreuses, ils sont pour elles un élément de travail et une source de bien-être. La production forestière touche donc à tous les intérêts, et nulle autre plus qu’elle n’est digne de la sollicitude de l’homme d’état. Le gouvernement paraît l’avoir compris ainsi, car, sans parler des réformes douanières, deux lois votées dans la dernière session législative, l’une sur le reboisement des montagnes, l’autre sur la création de routes forestières, sont appelées à exercer l’influence la plus heureuse sur cette partie de la fortune publique, et à réagir par contre-coup sur toutes les branches de la production nationale.


J. CLAVE.