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irrégulier, dont on se sert seulement pour faire des bouées ou pour fabriquer du noir d’Espagne ; mais après l’enlèvement de cette première couche, qu’il faut pratiquer avec soin pour ne pas entamer le liber, on voit s’en former de nouvelles, qui, n’étant plus comprimées par l’épiderme, se développent régulièrement et donnent le liège avec lequel on fabrique les bouchons. Il faut dix années environ pour qu’il ait atteint l’épaisseur désirable, c’est-à-dire 2 ou 3 centimètres. On le récolte alors en pratiquant en haut et en bas du tronc deux incisions circulaires qu’on réunit par une incision verticale; le liège se détache en planches qui sont livrées au commerce. La même opération se répète tous les dix ans, de sorte qu’un arbre peut, jusqu’à l’âge de cent cinquante ans, donner douze ou quatorze récoltes. Le produit par hectare et par an d’une forêt de chênes-lièges est de près de 3 quintaux métriques d’une valeur de 150 fr. : déduction faite des frais et de l’intérêt du capital engagé dans l’exploitation, il reste un bénéfice net de 100 fr. environ, revenu supérieur à celui des terres de la meilleure qualité. En Algérie, où les forêts de chênes-lièges reconnues n’ont pas moins de 208,000 hectares, l’exploitation du liège est de la part de l’état l’objet de concessions faites pour quarante années, moyennant une redevance de 10 pour 100 du produit brut pour la première récolte et de 15 pour 100 pour les suivantes. Ces concessions, qui s’étendent aujourd’hui sur 80,000 hectares, une fois en pleine activité, produiront un revenu net de plus de 6 millions. Il reste donc encore 128,000 hectares à exploiter, dont le revenu doit s’élever à plus de 10 millions. C’est une des industries dont notre colonie est appelée à tirer le plus d’avantages.

Un autre produit de nos forêts, qui ne le cède guère en importance à ceux dont nous venons de parler, c’est la résine. Tout le monde connaît, au moins par ouï-dire, cette vaste plaine située à l’extrémité sud-ouest de la France et comprise entre le golfe de Gascogne, la Gironde et l’Adour. Elle a fait donner, grâce à une stérilité proverbiale, le triste nom de Landes au département qui la renferme. Formé de sable pur et reposant sur une couche imperméable appelée alios, le sol des Landes a pendant des siècles été considéré comme impropre à toute culture. Brûlé pendant l’été, noyé pendant l’hiver, il ne pouvait produire que des fougères, des ajoncs, des bruyères à peine suffisantes pour nourrir quelques maigres troupeaux. Pour comble de malheur, cette contrée était menacée d’être entièrement envahie par les dunes de l’Océan. D’immenses bourrelets de sable, déposés par les vagues sur une étendue de plus de cinquante lieues et sans cesse renouvelés, s’avançaient dans les terres, poussés par les vents d’ouest. Ils ensevelissaient les champs et les