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senter une grande homogénéité et n’avoir aucune tare. En Angleterre, où les forêts sont peu nombreuses, on remplace souvent le chêne par l’acajou et par le teck, bois incorruptible qui vient de l’Inde.

Les bois employés dans les constructions civiles sont plus variés. Au chêne, cette essence d’élite, cet arbre gaulois par excellence, il faut ajouter le sapin, l’épicéa, le pin sylvestre, le mélèze, etc. Les pièces de charpente sont équarries sur place. Cette opération, en dépouillant les arbres de leur écorce et d’une partie de l’aubier, en réduit le volume et en rend dès lors le transport plus facile. C’est ainsi qu’arrivent à Paris, du fond des Vosges et du Jura, ces immenses tronces de sapin employées aux échafaudages que tout le monde a pu voir, suspendues par de fortes chaînes au-dessous de longues voitures à deux roues, se balancer à droite et à gauche dans nos rues encombrées.

Lorsque les arbres sont destinés à être transformés en planches, ils sont ou sciés sur place ou transportés à cet effet dans des scieries mécaniques. Le sciage sur place, ordinairement pratiqué pour le chêne, est effectué par des ouvriers spéciaux appelés scieurs de long, qui, debout sur la pièce, montée elle-même sur un chevalet, suivent en poussant la scie un trait tracé au cordeau. C’est un travail long et pénible dont on cherche à s’affranchir, notamment en Angleterre, par l’emploi de petites scieries à vapeur susceptibles d’être transportées sur les différens points de la forêt. Les bois résineux au contraire, moins lourds et moins difficiles à transporter que le chêne, sont d’abord coupés en tronces de 4 mètres environ, puis amenés sous cette forme jusqu’à des scieries fixes, établies sur les cours d’eau à proximité des forêts, où ils sont débités en planches. C’est dans les Vosges surtout que cette industrie est répandue. Ces montagnes qui courent du sud au nord parallèlement au Rhin, en face de celles de la Forêt-Noire, leurs contemporaines dans l’âge de la création, sont formées soit de granit, soit d’une espèce de grès de couleur rougeâtre, aride et pulvérulent, appelé grès vosgien, qui constitue un sol trop maigre pour les céréales, mais merveilleusement propre à la culture forestière. Mieux avisés que ceux des Alpes, les montagnards des Vosges se gardèrent bien de dénuder leurs crêtes pour les transformer en pâturages : ils ne mirent en culture que le fond des vallées, conservant précieusement sur les montagnes les massifs boisés, qui sont à la fois pour eux une source de richesses et une garantie contre les ravages des torrens. Dans la partie la plus montagneuse de la chaîne, qui comprend les arrondissemens de Saint-Dié et de Remiremont, le sapin et l’épicéa soit les essences presque exclusives de ces forêts. Les planches qu’elles four-