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l’auteur a su approfondir tous les élémens d’un art délicat qu’il possède à fond. M. Panofka possède deux rares qualités : il guérit les voix malades et il conserve les voix saines qu’on lui confie. Je voudrais bien savoir si la faculté de Paris a beaucoup de médecins aussi forts que M. Panofka!

Et maintenant, alea jacta est ! que l’année nouvelle nous arrive avec son cortège inséparable de craintes et d’espérances! Nous l’attendons de pied ferme sans trop redouter l’énigme de l’avenir qu’elle nous réserve. Qu’elle nous soit bénigne cependant et toute pacifique, qu’elle achève par la persuasion, si c’est possible, le grand œuvre de l’entière émancipation de l’Italie, à l’aide de la puissante amitié de la France; que ces deux grandes et belles nations de la race lutine, qui ont civilisé le monde occidental, s’étreignent de plus en plus et resserrent l’antique alliance qui exista entre elles depuis César jusqu’à Charlemagne, et depuis Charlemagne jusqu’à nos jours. Quelle immense variété d’intelligences et de grands hommes ont enfantés la France et l’Italie! que d’événemens glorieux n’ont-elles pas accomplis ensemble depuis les croisades jusqu’à la chute du premier empire! Les civilisations des deux peuples sont si souvent fécondées l’une par l’autre, qu’on ne sait à quelle heure de l’histoire on peut trouver le confluent des deux fleuves, à quel moment les deux esprits et les deux langues se pénètrent et se communiquent leurs propriétés diverses. C’est dans les romans chevaleresques produits par la France du XIe au XIIIe siècle que l’Arioste puise les élémens de son merveilleux poème, c’est dans les historiettes de Boccace que La Fontaine prend le thème de ses contes charmans, dont il a eu bien tort de se repentir. Par la papauté, par la théologie scolastique des saint Anselme et des Pierre Lombard, par les arts, par la science du droit romain et des finances, par les hommes éminens en tout genre qu’elle nous a donnés, tels que Mazarin, Mirabeau, Napoléon, l’Italie n’a cessé d’avoir de l’influence sur l’administration intérieure et la politique de la France, qui à son tour a souvent secouru l’Italie de sa puissante épée et formé le projet de l’arracher à la domination de l’Espagne et de l’Autriche. Ce fait immense est presque accompli de nos jours, et il doit nous être permis de souhaiter que l’année 1861 voie s’achever une œuvre qui, depuis Henri IV surtout, a été le rêve des plus grands rois et des plus profonds politiques qu’ait eus la nation française.

En revenant au sujet qui nous intéresse plus particulièrement, souhaitons aussi que la bouffonnerie musicale soit refoulée là d’où elle n’aurait jamais dû sortir. Que la nouvelle administration à laquelle sont confiés les intérêts de l’art soit bien pénétrée de cette idée, que la France doit une grande partie de son influence sur l’Europe à son esprit, à son goût, à sa munificence envers toutes les grandes et nobles manifestations du génie. Ses poètes, ses philosophes, ses savans et ses artistes ont plus fait pour étendre son empire moral sur le monde que ses politiques et ses grands capitaines. Que le Conservatoire de musique, que l’École des beaux-arts, que les théâtres subventionnés, que l’Opéra surtout, soient l’objet d’une sollicitude éclairée et ne deviennent pas le refuge des médiocrités princières de l’Europe. Enfin ne protégez que les travaux sérieux et repoussez bien loin de vous les artistes et les écrivains qui contribuent à fausser le goût public et à corrompre le sentiment du beau dans sa source première.


P. SCUDO.