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tresse qui depuis six mois arrivait sans cesse de Constantinople à Paris et à Londres.

L’on était donc en présence d’une catastrophe imminente, et cette catastrophe, on pouvait la conjurer ou l’éloigner par un emprunt. On voit comment la question financière soulevait la question politique. À notre avis, pour apporter un remède efficace à la situation de l’empire ottoman, il eût importé de ne pas scinder ces deux questions. Il eût été à désirer que les gouvernemens européens prissent en considération l’état de la Turquie. L’on sait de reste en Europe que l’on n’obtient quelque amendement de la Porte que lorsque, étranglée pour ainsi dire par la nécessité, elle est contrainte d’écouter les conseils qu’on lui donne. La Porte paraissait bien sentir le poids de cette nécessité, et pour tenter le crédit européen elle ne fit pas difficulté de prendre dans des documens officiels les résolutions les plus méritoires. Elle sembla vouloir inaugurer le contrôle de son budget en érigeant en conseil permanent la commission des finances précédemment instituée. Des sujets chrétiens de la Porte devaient faire partie de ce conseil de contrôle et de surveillance ; mais surtout pour donner des garanties à l’Europe on y appela des fonctionnaires européens : M. le marquis de Plœuc, inspecteur des finances français, M, Falconnet, qui veille à Constantinople aux intérêts des porteurs de l’emprunt anglais de 1858, et M. de Lackenbacher, conseiller privé autrichien, Fuad-Pacha annonça à l’Europe ces résolutions de réformes par une dépêche du mois de juin ; les intentions les plus louables et les plans de conduite les plus corrects y étaient annoncés. Le conseil des finances, d’après la dépêche du ministre, devait avoir les attributions les plus étendues pour surveiller et contrôler les budgets des divers ministères, dresser le budget général, établir les règles d’une comptabilité sincère et régulière, étudier les modifications à introduire dans le système des impôts, créer des ressources nouvelles, etc. Certes, si ces promesses ont été tenues, si la Porte a effectivement donné au conseil des finances l’autorité efficace dont elle l’investissait aux yeux de l’Europe, on peut ne pas désespérer des finances turques. Le mal financier de la Turquie provient surtout en effet des dilapidations de ses hauts fonctionnaires ; le ministre de la guerre et le ministre de la marine, pour citer les départemens les plus dispendieux, ont pu jusqu’à présent, sans rendre de comptes, suppléer aux insuffisances réelles ou supposées de leurs services par des émissions de bons spéciaux qui forment une partie considérable de la dette flottante exigible. S’il était possible de faire cesser ces abus ministériels, si des Européens compétens en matière financière étaient sincèrement consultés et réellement écoutés par la Porte, les ressources financières de la Turquie seraient peut-être assez vite replacées au niveau de ses besoins. C’est la raison qui, selon nous, rendait opportune l’action collective de l’Europe sur la Porte pour lui arracher des réformes sérieuses et lui porter un secours efficace. L’a-t-on tenté ? A-t-on échoué ? Pourquoi et contre quels obstacles ? Il y a là des obscurités sur lesquelles il eût été utile d’obtenir des éclair-