Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 29.djvu/983

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Nous croyons savoir qu’une proposition dans ce sens, après un premier examen fait par le ministre de l’agriculture, du commerce et des travaux publics, a été transmise au ministre des finances. Quelles que soient les circonstances les compagnies de chemins de fer embrassent trop d’intérêts, une somme trop considérable de travail, pour que le gouvernement puisse les laisser livrées à leur propre fortune et à leurs embarras. Il n’est donc pas surprenant qu’il étudie toutes les solutions qu’on lui propose et qu’il ait accordé une attention particulière à celle qui permettrait de résoudre le problème sans engager sa responsabilité, et même en la dégageant, car si les dépenses de construction des nouveaux réseaux diminuaient, et si les compagnies empruntaient normalement à de bonnes Conditions, la garantie d’intérêt donnée par l’état resterait nominale. C’est donc à l’organisation d’une institution de crédit spéciale pour les chemins de fer qu’il serait à désirer que l’opinion publique se ralliât. Parmi les diverses propositions qui ont été faites, elle est la seule qui paraisse mettre d’accord les intérêts et les principes.

Une feuille anglaise, l’Economist, parlant de l’extension que l’on veut donner aux opérations du comptoir d’escompte de Paris, raillait, il y a quelque temps, la France sur la pénurie de ses moyens de crédit, qui empêchait, disait-il, la division du travail et le développement de toutes les richesses du pays. Il citait avec complaisance la multiplicité et la diversité des banques en Angleterre et rappelait avec satisfaction le capital de 1 milliard 73 millions qu’elles représentent[1]. Les institutions de crédit en France sont bien loin d’atteindre ce chiffre, et cependant nous pouvons dire que nous possédons une masse de valeurs fiduciaires aussi considérable que celle qui existe en Angleterre. On estime que les valeurs qui sont négociées à la bourse de Londres représentent un capital de 32 milliards 225 millions, et nous ne croyons pas être taxé d’exagération lorsqu’en constatant que la dette de l’état et nos chemins de fer forment déjà le chiffre de 13 à 14 milliards, nous affirmerons qu’avec les emprunts des villes, des départemens et des communes, avec les compagnies d’assurances, de mines, de ponts, de gaz, les compagnies financières étrangères, etc., la France peut compter à l’heure présente, sans s’occuper de ce qu’elle a encore à émettre, un chiffre au moins égal de titres mobiliers. Et rien n’a été organisé pour suffire au mouvement et à l’accroissement de cette richesse ! Les institutions de crédit qui ont été fondées depuis quelques années n’ont jusqu’à présent servi qu’à créer ces valeurs fiduciaires, et n’ont en

  1. Banques particulières, capital 388 millions ; — banques d’Écosse et d’Irlande, 318 millions ; — banques d’Angleterre, 367 millions.