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de grands sacrifices, les ressources dont elle avait besoin, semble avoir été le point de départ des modifications introduites par la loi. Cet exemple, qui, mieux que toutes les théories, indique la voie où nous entraîne la force des choses, n’est-il pas significatif, et en évitera-t-on les conséquences ? L’industrie clés chemins de fer n’est-elle pas aussi importante que celle du bâtiment dans Paris ?

La première de nos propositions aurait pour résultat, en dégrevant les compagnies de certaines charges, de réduire le chiffre de leurs emprunts à 1 milliard 700 millions, soit à 170 millions par an. Un établissement de crédit qui absorberait tous ces emprunts permettrait sans aucun doute aux compagnies de les émettre au taux de leurs premières émissions, qui était de 340 francs par obligation de 500 francs, donnant 15 francs d’intérêt, ce qui représente de la rente à 68 francs. Dans cet état de choses, l’économie faite par les compagnies abaisserait le chiffre total des emprunts à 1 milliard 500 millions environ, ce qui ne ferait plus que 150 millions à demander annuellement au crédit au lieu de 250 ou 300.

Les compagnies font actuellement une recette annuelle de près de 400 millions. On peut estimer qu’elles ont ou auront avant peu (en supposant les frais d’exploitation maintenus à 45 pour 100 de la recette brute) un revenu net de 220 millions. Emprunts annuels de 150 millions, revenus nets annuels de 220 millions, le rapprochement de ces deux chiffres ne fournit-il pas les élémens d’une constitution de crédit ? Avec un capital de garantie considérable et la ressource des recettes nettes des compagnies, ne peut-on pas concevoir le fonctionnement régulier et pratique d’une institution soutenue par la confiance du public ? Ne voit-on pas dans la création de ce vaste réservoir de numéraire ; alimenté à tous momens par la perception des revenus des chemins de fer dans toutes les parties de la France, ne voit-on pas dans l’organisation de cette puissance les moyens de suffire à la négociation et à l’écoulement dans de bonnes conditions, pendant une période décennale, d’un emprunt annuel de 150 millions ?

Oui, c’est là, dans l’utilisation de cette force produite par les compagnies elles-mêmes et qui s’éparpille tous les six mois dans le paiement de leurs intérêts et dividendes (intérêts et dividendes qui, se capitalisant, vont pour la plupart, à chaque nouvel emprunt des compagnies, se replacer sur ces nouvelles valeurs à des conditions de plus en plus onéreuses pour elles), c’est là que doit se rencontrer, sans gêne pour l’état, sans expropriation forcée, sans trouble dans notre économie industrielle, la solution des embarras inextricables qui mettent en question l’existence même des compagnies et l’achèvement de leur œuvre.