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compagnies, au lieu de 250 millions par an pendant une période de dix ans, ne demanderaient plus au crédit que 170 millions.

La seconde mesure, plus importante encore, consisterait à donner à une industrie qui représente une portion si notable de la fortune mobilière du pays des moyens de crédit qui lui fussent propres, de telle façon qu’elle ne fût plus obligée pour s’alimenter de puiser aux mêmes sources que l’état, les départemens, les communes, les villes, le commerce et le reste de l’industrie.

De la situation actuelle, qui force tous ceux qui ont besoin de recourir au crédit à se servir des mêmes procédés, à frapper pour ainsi dire aux mêmes portes, il résulte, sur le marché des capitaux, une concurrence qui, en élevant incessamment les exigences des détenteurs, sème la défiance, paralyse les affaires, met le travail et la production industrielle dans une dépendance absolue, et conduit, quand un grand intérêt public est en jeu, à concevoir et à préconiser des remèdes empiriques, comme celui de l’expropriation des chemins de fer par l’état, pour résoudre des difficultés qui viennent de la pénurie de nos moyens de crédit. Depuis que la France forme partout à la fois des entreprises qui semblent l’avoir condamnée aux travaux forcés, on peut dire que rien n’a été organisé en vue de suffire au déploiement de cette activité fébrile. Cette grande et incessante dépense de vie exigeait cependant qu’on lui fournît les moyens de satisfaire, aux nécessités de son exubérance. La richesse du pays remuée en tous sens, refondue, dénaturée, ne peut pas suffire par son mouvement propre à alimenter tous les besoins créés par cette métamorphose qui s’accomplit sous nos yeux. Le crédit, qui est l’élément indispensable pour que le présent puisse travailler en vue et au profit de l’avenir, le crédit n’a pas porté dans ses combinaisons la même largeur que le travail, et ce manque d’équilibre entre la consommation du capital et les besoins qui le sollicitent de toutes parts a engendré la situation actuelle, véritable maladie du corps social, où des parties saines et robustes que n’atteint plus la circulation sont exposées à périr de besoin et d’inanition.

Cette insuffisance des anciens moyens de crédit exige la création d’instrumens nouveaux et particuliers à certaines entreprises. La nécessité paraît en avoir été démontrée au gouvernement et au corps législatif, lorsque, dans la dernière session, ils ont remanié les statuts de la Société du crédit foncier. En effet, cette institution a été dotée de toutes les facilités propres à favoriser dans Paris l’industrie du bâtiment, qui, par sa constitution spéciale et ses habitudes, ne pouvait faire un appel direct aux capitaux ; le crédit foncier va lui servir d’intermédiaire. Le concours qu’il avait déjà prêté à la société immobilière de Paris, qui n’aurait pu trouver directement, sans