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des soldats. On compte environ deux cents maîtres d’école militaire, qui se distribuent en quatre classes selon l’ordre de position et de mérite. Dans ces écoles, on éloigne avec soin de l’enseignement les délicates questions qui pourraient réveiller les jalousies de sectes, et la doctrine religieuse se limite à ces principes universels qui sont obscurément gravés dans le cœur de l’homme. La fréquentation du cours même n’est pas obligatoire, on est libre de le suivre ou de le négliger ; mais l’ignorance de l’armée anglaise a du moins perdu ce déplorable caractère d’entêtement et d’orgueil qui lui fermait dans un autre âge les sources du progrès. Il est intéressant de voir dans ces écoles non-seulement des soldats, mais encore des caporaux et des sergens, qui ont bravement combattu pendant des années pour soutenir dans le monde l’honneur du drapeau anglais, essayer leurs rudes organes aux élémens de la lecture ou de récriture. Une faible rétribution mensuelle est exigée des adultes et des enfans qui suivent les leçons de l’école militaire[1]. Une autre amélioration récente, et qui mérite d’être signalée, c’est l’établissement dans les casernes de bibliothèques et de cabinets de lecture. L’inspecteur-général des écoles fait pour ces bibliothèques un choix de livres, de revues et de feuilles périodiques qui conviennent le mieux aux goûts et aux besoins de la profession. Là, pour un penny par mois, le soldat peut passer des heures utiles et mettre à profit des loisirs qu’il gaspillerait peut-être au dehors, dans les réunions douteuses et les tavernes. On a objecté, il est vrai, que, par suite du mauvais arrangement local des anciennes casernes, quelques-unes de ces salles de lecture étaient froides et obscures. Il reste à faire sans doute ; mais le principe est bon, et, quoique restreint par des dispositions matérielles qu’il est difficile de modifier en un jour, il a déjà exercé une influence heureuse sur l’esprit et les inclinations de l’armée. Ce qui manque le plus aux casernes anglaises, — on ne le croirait point dans un pays où les forces physiques sont l’objet d’une culture assidue, — ce sont les instrumens et les exercices gymnastiques. Quelques officiers, frappés d’une telle lacune dans les moyens de récréation et dans le régime sanitaire du soldat, ont essayé, à leurs frais, de parer à cet oubli ; mais l’état ne peut se reposer plus longtemps sur le hasard ni sur la générosité des particuliers, et il devra par lui-même aviser à un ordre d’institutions qui ont ailleurs donné d’excellens résultats. Le seul jeu d’adresse auquel se livrent de loin en loin les soldats anglais

  1. Les adultes, c’est-à-dire les soldats, caporaux et sergens, paient de 4 à 8 pence par mois, les enfans de troupe de 1 à 2 pence. Le traitement des maîtres d’école varie de 48 à 150 liv. sterl. par an. Ils y ajoutent dans certaines garnisons une branche de revenus qui consiste à donner des leçons, pour un prix convenu, aux enfans des officiers.