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toutes ces sources de revenus sont d’un assez mince rapport[1]. Une perspective plus sérieuse est celle de la pension. Jusqu’au règne de Charles II, l’état ne s’était point inquiété de pourvoir au sort des soldats anglais qui avaient vieilli sous les drapeaux. En 1682, ce roi posa pour eux la première pierre de Chelsea-Hospital, l’hôtel des invalides de la Grande-Bretagne, et qui s’élève dans une position agréable sur les bords de la Tamise, ce large et puissant fleuve dont les eaux laborieuses ne se sont point encore souillées en traversant les vieux quartiers de Londres. Cette retraite ne peut d’ailleurs admettre que six cents vétérans, et il y en a plus de soixante mille qui implorent les secours. de l’état. Un système de pensions en dehors de l’hospice militaire s’introduisit dès le temps de la reine Anne. En 1806, un acte du parlement conféra un droit légal à l’assistance aux soldats qui avaient passé vingt et un ans dans le service, ou qui avaient été mutilés pour la gloire de leur pays. Aujourd’hui il y a environ soixante-quatre mille vétérans qui reçoivent une pension annuelle. L’échelle des secours varie naturellement selon le temps du service, la gravité des blessures et d’autres considérations ; mais la somme s’élève en moyenne pour chacun à 1 shilling par jour. Je n’affirmerai point que le vieux soldat puisse s’appuyer entièrement sur ce subside comme sur un moyen d’existence ; il y trouve du moins un soulagement considérable. Ce système impose à la nation une charge de 1,200,000 livres sterling par an ; c’est un sacrifice que nul Anglais ne regrette, tant il le considère comme un devoir de justice et d’humanité.

L’état a dû se préoccuper en second lieu de la nourriture du soldat. Ce dernier fait trois repas par jour : le déjeuner, le dîner et le souper[2]. Chacun de ces repas est annoncé cinq minutes d’avance par le clairon, bugle. Les hommes se réunissent par chambrées, et il est curieux de les voir, revêtus de leur veste courte former ce que l’on appelle la mess des soldats. Cinq minutes après, le clairon sonne de nouveau au moment où les convives s’assoient. Le soldat anglais reçoit une plus forte ration de nourriture animale qu’aucun soldat de l’Europe. Dur à la marche et au service, il subit sans murmurer toutes les privations ; mais il lui faut sa viande. Dans la plupart des casernes, des camps et des garnisons, la viande et le pain sont fournis en vertu de contrats pour des prix débattus entre le gouvernement

  1. Lors du siège de Delhi, les soldats anglais qui avaient forcé la brèche et qui entrèrent comme la tempête dans, la cité maudite reçurent chacun une récompense de 1 liv. sterl. 16 shill. Le chiffre de cette gratification fut vivement blâmé par le Times comme entaché d’une parcimonie révoltante.
  2. Je devrais dire le thé. Cette collation du soir, qui constitue dans les familles un repas tout anglais, se compose en effet de thé et de pain beurré. On y ajoute quelquefois du cresson, des chevrettes et de fines tranches de jambon.