Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 29.djvu/834

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sont confondus ou séparés, où le régime cellulaire est ou n’est pas admis, peuvent bien porter le même nom ; mais avec de telles disparates le condamné à un an de prison ne l’est pas à la même peine suivant qu’il est jugé à Dunkerque ou à Bayonne, à Quimper ou à Antibes. Malgré tous les soins de l’administration, il existe déjà entre des maisons soumises aux mêmes règlemens d’ineffaçables différences. Que serait-ce donc si l’on abandonnait toute la pratique de l’emprisonnement à la diversité d’opinions, d’usages, de ressources et de sollicitude des diverses localités ? L’uniformité est donc nécessaire, la justice la commande. Il faut que la loi la prescrive, et pour que la loi soit exécutée, il faut soumettre tous les établissemens à un pouvoir d’inspection qui ne peut guère être exercé que par l’état. Ce pouvoir n’existerait pas, que vous verriez dans un gouvernement parlementaire les chambres le prendre et en créer les instrumens. Le parlement d’Angleterre a, pour la réforme des prisons et même pour la pratique de la pénalité tout entière, investi le ministre de l’intérieur d’une autorité qui nous étonnerait, et qui tombe dans l’arbitraire.

L’instruction publique a rarement été regardée comme une affaire de localité. Lorsqu’elle n’est pas instituée par l’état, elle appartient la plupart du temps à des corporations qui ne sont pas des associations privées, et qui ressemblent plutôt à des pouvoirs spéciaux. Les universités anglaises, malgré leur prétention d’exister par elles-mêmes, ont fini par reconnaître la compétence de la loi, ou du moins se sont-elles empressées, par des réformes intérieures, d’aller au-devant des vœux du parlement, de peur qu’il ne leur commandât ce qu’elles n’auraient pas fait de leur plein gré. En France, nulle difficulté sur ce point. On est allé jusqu’à dire chez nous que l’état enseignait par l’université comme il juge par les tribunaux. Cependant il n’y aurait rien d’exorbitant à classer l’instruction primaire comme une affaire communale. Cela est écrit à demi dans la loi. Sous le prétexte de la liberté des pères de famille, on n’a pas voulu rendre obligatoire la fréquentation de l’école. On n’a donc, sous aucun rapport, centralisé outre mesure. Voici cependant un raisonnement d’une certaine valeur. Tout gouvernement, et plus qu’aucun autre tout gouvernement libre, a la prétention de commander par la loi et de commander à des hommes. L’ignorance de la loi, dit-on en droit, ne se présume pas. Or on demande comment celui qui manque de toute instruction primaire peut avoir une idée, je ne dis pas complète, mais grossièrement suffisante, de ce que c’est que loi, justice, gouvernement, patrie. Si l’on veut que les hommes soient citoyens, qu’ils participent à des élections quelconques, par une conséquence nécessaire l’état doit l’enseignement