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pour empêcher par la répression un abus de la force et la violation d’un droit.


V

Passons à la centralisation considérée sous le second point de vue et prise dans le vrai sens du mot. Ici se présentent des difficultés d’un autre ordre que M. Dupont-White a parfaitement fait valoir. Tout n’est pas dit parce qu’on a répété qu’il y a trois sortes d’affaires publiques, les générales ou gouvernementales, les départementales et les communales, sans compter celles d’un intérêt collectif, celles des syndicats, celles des grandes sociétés anonymes. D’abord la division ne se fait pas d’elle-même entre les trois principales catégories. Les intérêts auxquels elles touchent se confinent, se pénètrent mutuellement, et les autorités entre lesquelles on les voudrait distribuer hiérarchiquement ne pourraient toujours impunément rester indépendantes les unes des autres. Or, dès qu’elles cessent de l’être, il y a centralisation.

Revenons aux exemples. Certaines prisons sont mises par le Code d’instruction criminelle sous l’autorité des préfets, et dans la pratique une distinction assez difficile à justifier, contraire à la lettre de la loi et qui n’est pas observée en toute rigueur, réserve aux établissemens de l’état, aux maisons centrales, les condamnés à plus d’un an d’emprisonnement. Pour tous ceux dont la peine est moins longue, pour tous les prévenus, tous les inculpés, la détention est considérée comme une affaire départementale. Supposez qu’on généralisât davantage et qu’on soulageât l’état de la garde des prisonniers, dont il demeure chargé jusqu’à présent. Ce serait, si l’on veut, une conquête sur la centralisation. Qu’arriverait-il cependant, si l’administration départementale, ou toute autre qui ne serait pas celle de l’état, était laissée à son libre arbitre dans tout ce qui touche à la détention ? La matière est difficile à régler : toute innovation en ce genre est délicate ; les améliorations sont problématiques, les systèmes discordans ; enfin d’autres intérêts peuvent attirer de préférence l’attention ou les ressources de l’autorité locale. Or j’imagine qu’on n’est pas disposé à oublier que l’unité de législation pénale est au premier rang des dettes de justice de l’état envers les citoyens d’un même pays. L’égalité des peines dans les mêmes cas, sur tous les points du territoire, est un principe inviolable. Serait-il observé si les conditions de la détention variaient suivant les localités ? Des prisons malsaines, des prisons salubres, où règne le désordre, où prévaut la discipline, où le travail est établi, où le travail est inconnu, où tous les degrés de culpabilité, de corruption, d’endurcissement,