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couverte scientifique le rend plus sûr et plus facile : il faut mettre la télégraphie électrique à la portée de tous. Qui le peut faire mieux et plus économiquement que l’état ? Qui surtout peut en faire jouir plus également la société, en étendant ce service aux localités qui n’en useraient pas assez pour en payer les frais ? Si vous ajoutez une politique ombrageuse qui craint toujours qu’on n’abuse contre elle de toute force nouvelle, voilà l’état chargé de la télégraphie privée. Qui s’en plaint ? Personne, je crois. C’est, m’a-t-on dit, pour Paris seulement quinze cents employés de plus. Je ne blâme rien ; mais je représente aux adversaires de la centralisation les difficultés qu’ils ont à vaincre et les concessions qu’ils ont à faire.

L’exemple de l’Angleterre, dont ils s’appuient, ne doit être cité qu’avec précaution. Il est vrai qu’en Angleterre on ne pousse pas le plaisir de gouverner jusqu’à la manie, et que la société, c’est-à-dire les individus, y reste chargée de plus d’un service que nous voulons que l’état nous rende. Il est encore vrai qu’ordonnée moins systématiquement, l’administration anglaise est plus simple : son personnel est moins nombreux, ses formalités moins lentes et moins fastidieuses ; elle cherche à ne faire que l’indispensable. N’allez pourtant pas croire que le mouvement centralisateur soit inconnu en Angleterre. Il y est au contraire visible et rapide. C’est le pays des réformes, on le sait, et quelle est la réforme qui ne soit une régularisation méthodique, et dont l’accomplissement ou la surveillance n’impose au gouvernement un nouveau devoir ? Peu de sessions du parlement se passent sans produire plusieurs bills pour porter l’ordre et l’uniformité là où régnaient la confusion et la bigarrure. Cette police des lieux publics, cette police célèbre dont tous les voyageurs raffolent, est une œuvre de centralisation, de centralisation à tous les points de vue, car elle est loin d’être partout municipale. À Londres, par exemple, elle ne l’est que dans la Cité.

Il y a de tout en ce pays. C’est la terre des contrastes. On sait que les Anglais ne se piquent pas de logique en administration. Ce n’est pas eux qui chercheraient une solution absolue aux questions qui nous occupent. Voyez comme en matières différentes diffère leur manière de procéder.

Ainsi ils ne pensent pas que l’état doive à tout le royaume la viabilité. C’est chez eux à ceux qui se servent des routes à les payer. Il y a plus de trente ans que, cheminant dans le nord du pays de Galles, je rencontrai sur l’impériale de la diligence un de ces compagnons de voyage communicatifs qui ne vous laissent rien ignorer. Il s’extasiait sur la beauté de la route, en me faisant bien remarquer que c’était une parliamentary road. J’imaginais déjà une